• COP 21 : L’impasse économique de la croissance verte

    A l’occasion de la Cop 21, les politiques et les industriels s’enthousiasment sur les possibilités de relance économique et de création d’emploi ouverte par le problème climatique. Si l’inconséquence écologique des mesures des gouvernements et plus largement du développement durable, tel qu’il est appliqué dans les sociétés capitalistes, tend à être admise par les mouvements sociaux, ces politiques de développement durable n'ont pour but évident que de permettre l’obtention de quelques points de croissance et la diminution de quelques point du taux de chômage afin d’appâter les électeurs. On ne parle donc que très peu de l’inconséquence des mesures de relance économique par l’ouverture de marchés climat et écolos. La croissance verte est-elle économiquement possible ? Beaucoup de choses permettent d’en douter. Pourrait-elle s’inscrire dans le long terme ? Probablement pas.

    Les créations d’emplois liées au climat ne résoudront que de manière très marginale le problème du ralentissement de la croissance. On ne réatteindra plus les taux de croissance constants à 4 ou 6% des fameuses « 30 glorieuses ».
    Elles ne résoudront pas non plus la question du chômage et de l’emploi précaire : on compte en effet 3 millions de chômeurs selon l’INSEE, le pôle emploi annonce 6 millions d’inscrits (Aout 2015), dont 2 millions de travailleurs pauvres, sans compter les personnes radiées, les temps partiels subis, les divers contrats précaires (services civiques, stages, petits boulots étudiants). Même si certains annoncent la possibilité de créer rapidement 1 à plusieurs millions d’emplois liées au climat, il faut aussi prendre en compte dans l’équation ce que la question du climat amène en terme de destructions d’emplois.
    Les créations d’emploi ne compenseront certainement pas les destructions d’emplois liées aux nombreuses liquidations de boites subies depuis le début de la récession dans les années 70 et la crise de 2008.
    De nombreuses activités se substitueront aux activités actuelles, soit dans le cadre de reconversions écologiques, soit dans le cadre d’une concurrence entre la production écolo et la production non-écolo. Des entreprises vont progressivement se désinvestir de certains secteurs, ce qui va provoquer des vagues massives de cessation d’activité et de licenciements. Par exemple, si l’on arrête la production de charbon, l’extraction de pétrole, d’uranium et de gaz de schiste, pour faire du solaire et de l’éolien, soit les salariés des combustibles fossiles seront réaffectés aux renouvelables, soit ils seront licenciés et remplacés par de nouveaux salariés dans les nouveaux secteurs.
    D’autre part, les semis-monopoles des entreprises pionnières en matière d’éco-activité, permettant peut-être des taux de rentabilité potentiellement acceptables et des salaires décents, seront bien vite perdus par l’arrivée progressive de nouveaux concurrents dans les marchés écolos. Les conséquences seront une baisse des prix des biens et services vendus, qui se répercuteront sur les profits et les salaires des éco-travailleurs. Elles provoqueront des réactions en chaine d’appauvrissement des travailleurs, de réduction de personnel et d’intensification du travail, de faillites d’entreprises écolo, de hausse du chômage et de diminution du nombre de personnes en capacité de se payer la transition écologique, comme cela se passe actuellement avec la production industrielle.
    Autre problème, le retour des bonnes vieilles recettes keynésiennes, des new deals, d’amorce à la pompe par le crédit aux entreprises et à la consommation. Ces recettes ont fait la démonstration édifiante de leur inefficacité à long terme depuis les années 70-80. La crise de 2008 aurait aussi dû apprendre à se méfier davantage de la logique de crédit. Il est aussi d’autant plus étrange d’envisager de telles politiques lorsque l’on comprend, d’une part, que le taux de rentabilité des entreprises est d’autant moindre que la production de biens et services s’est grandement mécanisée, automatisée, que la concurrence s’intensifie en conséquence, que le travail humain devient en grande part superflu et que la demande solvable est d’autant diminuée. Les profits ne progressent pas suffisamment pour que l’on puisse taxer suffisamment pour le social, l’écologie, et le remboursement de la dette publique. Les salaires ne progressent pas non plus suffisamment pour que les ménages moyens, remboursant déjà des crédits pour l’achat du logement, se lancent dans l’éco-rénovation. Les récentes crises de l’immobilier en Europe et en Chine devraient pourtant nous mettre la puce à l’oreille.
    Enfin, la financiarisation de la nature et l’ouverture de marchés spéculatifs sur le climat et la transition écologique risquent de générer de nouvelles bulles spéculatives, donnant lieu à de nouvelles phases d’éclatement des bulles financières, avec les conséquences que l’on connaît : désinvestissements, faillites d’entreprises, crises bancaires, interventions des Etats, crédits, politiques d’austérité budgétaires, affaiblissement de la demande solvable, etc.
    Nos économistes et politiciens sans grande imagination s’entêtent donc à répéter avec les marchés climat les mêmes recettes inefficaces de sauvetage du capitalisme, qui ont plongées l’économie mondiale dans une longue phase dépressionnaire, dont on ne peut voir le bout du tunnel.
    La croissance verte est donc un véritable jeu de funanbule. Cependant, les mailles du filet commencent à être grandement usées.

    Comment faire alors pour s’en sortir ? Les solutions de base sont en vérité assez simples, et nous les avons déjà évoquées dans d’autres articles :
    1 Abolition de la propriété privée des moyens de production, expropriation de tous les capitalistes.
    2 Abolition de la concurrence entre entreprises d’un même ou de différents secteurs d’activités, association de toutes les unités de production, communisation complète de la production, abolition de l’argent et émancipation de la logique de valorisation du capital (argent-marchandise-davantage d’argent et en réalité moins d’argent).
    3 Gestion démocratique directe des choix de production.
    4 Transition technique, sobriété énergétique, abolition de l’obsolescence programmée et recherche d’une durée maximale.
    5 Production organisée en fonction des besoins sociaux émancipés des logiques marchandes, planifiée démocratiquement par la base de la société, et ajustée à la demande afin d’éviter les gaspillages.
    6 Volume de production limité en fonction des impératifs de soutenabilité.

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