• Modernité, Progrès

    Le paradigme de la Modernité et la question de la Raison

    Certains Philosophes parlent de Post-modernité, ou d’Hyper-modernité pour qualifier notre époque. Ceux de l’Ecole de Frankfort, et notamment Habermas, parlent quant à eux d’anti-modernité, de modernité inachevée, ou encore de proto-modernité.

    Habermas distingue modernité sociale et politique, modernité artistique et culturelle, et modernité technoscientifique. Si les deux derniers peuvent être qualifiée de modernes ou même post-modernes, la modernité sociale et politique est jugée par Habermas comme inachevée, et comme allant à l’encontre de ce qu’est modernité.

    L’idée de modernité prise en ce sens, revoie à la logique du progrès et de raison. Si nos sociétés ont beaucoup progressé en terme de maîtrise efficace, elles ont pourtant été à l’encontre d’une des promesses de la science, qui était d’améliorer la qualité de l’existence. On peut dire qu’une forme de la raison (la raison instrumentale, la Technique) s’est imposée et a mis au pas, écrasé les autres formes de rationalités (raison(s) sensible(s), en valeurs) et la pratique, le monde vécu, les situations de communication dans lesquelles se jouaient les médiations de sens et de symboles, c'est-à-dire en fait le monde des Gens. Les valeurs de l’Humanisme constituaient et s’organisaient en un discours du monde vécu, comme le relais des discours des Gens contre le cynisme et la cruauté du pouvoir. Ce discours était considéré comme une autre forme de la raison, comme « l’autre raison ».

    Aujourd’hui, l’Humanisme est un discours moral de domination, une légitimation/justification de la domination, et un dispositif de domination. Il est passé du champ de la pratique, du monde vécu, à celui de la Technique et du Pouvoir.

    L’inachèvement de la modernité réside, selon Habermas, dans la mise à l’écart du monde vécu, de la pratique, des gens. L’enjeu serait ainsi de contribuer à la production d’un véritable « espace publique », d’un lieu ou les pratiques et les mondes vécus pourraient communiquer et se donner les moyens d’améliorer l’existence de tous. Oscar Negt va quant à lui plus loin, en développant, contre le concept Habermasien d’espace publique « Bourgeois », celui d’ « espace publique oppositionnel » (Oscar Negt, L’Espace Publique Oppositionnel). « L’espace publique oppositionnel » serait celui de ceux qui ne sont pas comptés, pas écoutés, mais qui s’organisent pour exister contre le Pouvoir.

    La limite de l’étude de la seule modernité sociale consiste dans le fait de considérer la modernité scientifique et la modernité artistique comme très avancées ou achevée. C’est assez clair lorsque l’on étudie le discours sur la technique et la science que tient Habermas Habermas, La Technique et la Science comme Idéologie). Selon lui, le problème de la Technique et de la Science n’est pas tant un problème interne à la science qu’un problème d’appropriation idéologique, par le pouvoir, mais aussi économique (intérêts porté envers certaines recherches et de financements en conséquence). Cette proposition est juste, mais insuffisante. Pour Marcuse, au contraire, la science n’est pas un champ autonome, séparé du monde social et culturel (Marcuse, L’Homme Unidimensionnel). S’il y a bien une culture scientifique, des termes et des concepts propres à la science, il y a aussi des schémas de raisonnement, et des manières de formuler les problèmes, qui, dans la science expérimentale, sont traversées par l’imaginaire social, par les évidences culturelles instituées, par l’idéologie, et l’analogie avec d’autres champs du monde social. C’est le cas lorsque l’on dit par exemple en biologie que les cellules sélectionnent les partenaires « les plus performants » avec lesquels ils vont se composer, ou encore lorsque l’on s’inspire des mythes et des imaginaires religieux pour essayer de dépasser par la technique les limites de la Nature. C’est ici que la rencontre entre la science et l’art, la connaissance et l’utopie, peuvent donner lieu à de nouvelles découvertes, de nouvelles possibilités, de nouvelles perspectives historiques. Elle peut ainsi amener la production d’un discours du changement, d’un discours de subversion.

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