• Pourquoi le Front National ne viendra-t-il pas à bout des crises ? (V La démolition du mouvement social)

    V La démolition du mouvements social

    1 Interdire les outils de défense des mouvements progressistes et du mouvement ouvrier combattif

    Le FN ne propose bien évidemment pas de supprimer toutes les formes de liberté d’association ou de protestation. Il favorise les mouvements traditionalistes et les syndicats d’accompagnement « social » (l’expression plus juste serait « syndicats d’accompagnement du capital »).

    Il propose de démanteler les associations communautaires, de défense des migrants, et de réformer le syndicalisme, ce qui aurait pour effet d’éliminer les syndicats combatifs, (les seuls syndicats vraiment utiles).

    Sa politique locale est très illustrative. A chaque fois que le FN a géré des municipalités, que ce soit dans la période des années 90 ou dans la période actuelle, il a eu tendance à supprimer les financements municipaux aux associations communautaires, aux associations de soutien aux migrants, sans papiers et à l’accès au logement, ainsi que celles des syndicats, et a tout fait pour les expulser des locaux publics que les municipalités précédentes leur avaient prêtés ou loués.

    C’est principalement à ce niveau que le FN représente un véritable danger. Sa politique consiste à supprimer les possibilités d’organisation et de lutte sociale des mouvements s’inscrivant dans une perspective d’émancipation et d’amélioration universelle des conditions d’existence. Le FN est « le pire ennemi des travailleurs » (selon l’expression du collectif VISA), de l’émancipation et de l’amélioration universelle des conditions d’existence. Il est impératif qu’un tel parti reste aussi loin que possible des rennes du pouvoir.

    2 Problème : que faire quand les autres forces politiques du système s’y mettent aussi ?

    Le problème aujourd’hui, c’est que les gouvernements successifs, ainsi que les municipalités, gérées alternativement par le PS et l’UMP/Les Républicains, ont également mené de telles politiques, contre les migrants, les mal logés, les militants politiques et les syndicats. Ils s’orientent de plus en plus vers des logiques d’Etat d’exception (dont l’état d’urgence est une des formes principales). Les Etats d’exception sont des Etats qui ne sont pas fascistes, notamment d’un point de vue idéologique, mais qui empiètent sur les droits et libertés démocratiques fondamentales, la liberté d’expression, d’association, d’organisation, de protestation ; qui pratiquent l’espionnage (caméras cachées, écoutes téléphoniques, géo-localisation, surveillance des e-mails, etc.), la censure, les arrestations préventives, et à un certain niveau, l’usage de la force armée (militaire et non plus policière). (A propos du fascisme et des Etats d’exception, lire aussi l’article d’Alain Bihr : « Le fascisme n’est pas le seul régime d’état d’exception auquel un capitalisme en crise puisse donner naissance » , et la conférence : Le fascisme ne passera plus).

    Avec de telles politiques, on ne sait plus bien où donner de la tête. Quel sens peut alors avoir le « vote barrage » contre le FN ? Le fait que l’arrivée du FN au pouvoir, au niveau local ou national, amènerait à un déchainement de violences néo-nazies sur lesquelles ce parti fermerait les yeux ? Le problème est que les pouvoirs actuels, du PS ou de la droite, ferment également les yeux à ce niveau (du moins, au moins un œil), tandis que des personnes se font violenter, blesser grièvement ou tuer par des fascistes. Peut-être, effectivement, que le FN fermerait les deux yeux, et que la situation s’empirerait du fait d’une impunité totale. De même pour ce qui est de la question des possibilités de s’organiser, qui deviendraient encore plus difficiles qu’actuellement. Il est également possible, que le FN, à la fin d’un quinquennat, déclare un état d’urgence sans cesse prolongé, par exemple sous couverte de guerre (sans fin) contre le « terrorisme ». L’état d’urgence ne serait plus alors que la couverture d’une dictature permanente. Le « vote barrage » demeure donc une nécessité incontournable.

    3 Le « Vote barrage » : incontournable mais inefficace à long terme

    Si le « vote barrage » demeure actuellement une nécessité incontournable, son importance ne peut que se relativiser avec le temps. L’aggravation des conditions économiques du capitalisme, la montée des contestations et les empiètements en conséquence des gouvernements sur les libertés fondamentales, et la mise en place d’états d’urgence ou d’Etats d’exception en vue d’opérer à des contre-révolutions préventives, préparent une mutation étatique bien plus autoritaire. L’Etat deviendrait alors un fauteuil confortable pour le FN. Il lui suffirait de s’y asseoir, sans grands besoins d’aménagement.

    De l’autre côté, les illusions portées, à travers les programmes keynésiens, protectionnistes et souverainistes, par une partie importante de la gauche, préparent également le terrain d’une arrivée au pouvoir du FN. Le FN a alors deux scénarios possibles. Soit, il parvient à gagner des voies au sein de cette gauche et arrive au pouvoir, du fait qu’il est électoralement bien plus en position de force que cette dernière. Soit, par on ne sait quelles circonstances, la gauche dite « radicale » arrive au pouvoir, nous fait le coup de Siriza, ou met en place son programme qui mettre le pays en faillite au bout de quelques années. Dans ces deux cas, le FN jouera la carte du manque de courage ou de la mauvaise gestion de la gauche « radicale », et se positionnera comme plus ferme, intelligent, compétent en matière de gestion budgétaire, donc plus en mesure de gouverner le pays. Le « vote barrage » n’est donc qu’une solution repoussoir, qui, à terme, risque de ne plus marcher.

    4 De la nécessité de défendre les organisations de lutte pour l’émancipation et le bien vivre universel

    On l’aura compris, l’amélioration de la vie et la marginalisation du FN ne viendront pas des élections mais des luttes sociales. Ce sont les mouvements sociaux progressistes, et notamment les syndicats, qui ont le pouvoir de changer les choses. D’abord par leurs luttes, en contraignant les pouvoirs en place à renoncer à ses projets de réformes, et en arrachant des changements favorables au prolétariat. Ensuite, en se construisant en toute autonomie de la politique, en se réappropriant les moyens de production et en les gérant démocratiquement, en remplaçant l’Etat et son système politique par une démocratie fédéraliste autogestionnaire, par le communisme libertaire.

    Vaste chantier…

    Mais mieux vaut un long et difficile chemin vers l’utopie, qu’un raccourcis vers des chimères se transformant en cauchemars !

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