théorie critique et émancipation radicale
L'objet symbolique peut être matériel - c'est le cas, par exemple, de l'anneau coupé en deux, d'une bannière, de la monnaie - ou immatériel, c'est à dire une image, une idée, un concept, d'une institution, un thème musical et un chant - par exemple, de la faucille et du marteau, du A cerclé anarchiste, de la lutte de classe, du socialisme, mais aussi de la démocratie, de la sécurité sociale, de la retraite, de la couverture santé. Ce sont des symboles au sens ou ils permettent à des gens d'identifier le fait qu’ils partagent du commun, et par conséquent de se trouver et d'agir ensemble.
Fétiche
Le fétichisme se réfère au fétiche. Le fétiche est en effet une petite statuette à laquelle les sociétés primitives attribuaient des propriétés magiques. Fétichisme désigne donc la tendance à attribuer à des objets des valeurs propres, alors que ces valeurs lui sont extérieurs à l'objet et sont le propre de la société. Il en découle une certaine forme d'aliénation sociale puisqu’à terme la société ne reconnait plus les propres valeurs comme son propre produit, tend à les extérioriser, les projeter dans des objets, et donc à se distancier d'elle-même.
Symbole et Fétiche
Symbole et Fétiche sont a priori la même chose. Ils projettent du virtuel, de l'imaginaire, sur des objets réels, matériels ou immatériels. Cependant, on remarque que leur différence fondamentale se situe au niveau de leur manière d'exister au sein des rapports sociaux. Le Symbole se définit par sa fonction de rappel, de confirmation, de l'existence d'un rapport interindividuel ou social - en fonction de l'échelle à laquelle il est partagé, c'est à dire d'un groupe restreint de personnes à une collectivité entière. Le Fétiche se distingue du symbole dans la mesure où il échappe aux rapports sociaux, s'en autonomise. Cette autonomisation s'opère avec la traditionalisation, c'est à dire l'influence du temps, de l'habitude, de la routinisation. Les nouvelles générations trouvent dans ce cas face à elles un monde déjà construit et codé, lorsque les générations précédentes vivent et transmettent ces rapports sociaux sous forme de normes prescriptives, c'est à dire en oubliant de les penser, d'en comprendre la logique, l'intérêt, mais aussi (et surtout) les limites. On peut ainsi dire que le Symbole devient un Fétiche quant il n'a plus pour fonction de confirmer un rapport social, mais de le produire, de l'imposer. C'est à travers ce processus que le fétiche acquière un caractère idéologique, normalisateur et prescriptif. D'objet de reconnaissance réciproque, il devient outil de production, reproduction et circulation du "pouvoir sur", un dispositif de domination sociale et politique. En générant et en reproduisant du rapport de domination, il efface, étouffe, délégitimise la production de nouveaux symboles. Il rend ainsi invisible et affaiblit la dynamique évolutive des rapports sociaux, ainsi que les perspectives de changement social.
Fétichisme et Société
Si la fétichisation des symboles est la tendance par laquelle les rapport sociaux s'échappent à eux mêmes pour devenir des abstractions productrices et reproductrices du pouvoir, elle est donc ce par quoi se produit la « Société du Spectacle », cette société « Unidimensionnelle » dans laquelle "tout ce qui est bon apparait et tout ce qui apparait est bon", et dont la domination - politique, sociale et traditionnelle - contribue à dans le même instant à la cristallisation, au blocage, à l'étouffement de la production symbolique, et rend invisible la dynamique des rapports sociaux.
Symbolisme et Emancipation
Contrairement à la démarche du déconstructivisme épistémologique des penseurs des courants postmodernes qui vise l'émancipation à travers la désymbolisation, l'émancipation consiste davantage dans une démarche de défétichisation/resymbolisation des rapports sociaux progressistes, d'élimination des fétiches conservateurs et réactionnaires, et de production autonome de nouveaux symboles, expression de l'évolution des rapports sociaux réels.