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théorie critique et émancipation radicale

Présidentielle 2022 : les 4 choix de l'anticapitalisme au premier tour, et après ?

Face à la pandémie, la crise climatique, la guerre impérialiste, les crises économiques, le racisme, le sexisme, la LGBTphobie, le validisme, le spécisme, le capitalisme ne nous offre aucune porte de sortie. Dès lors, il est inutile de passer au crible les programmes des candidat.e.s du capital pour y chercher la faille, puisque l'adhésion au capitalisme est en soi la justification de l'échec social programmé que proposent ces aspirant.e.s à gouverner.

Cette année, 4 propositions retiendront notre attention. Tout d'abord, 3 candidatures : celle de Jean-Luc Mélenchon pour l'Union Populaire et la France Insoumise, celle de Nathalie Arthaud pour Lutte Ouvrière, celle de Philippe Poutou pour le Nouveau Parti Anticapitaliste. A cela s'ajoute une campagne anti-électorale sans candidature : celle de l'Union Communiste Libertaire, qui fait campagne avec comme slogan, ce n'est « Pas le président, c'est la société qu'il faut changer ! ».

La candidature de Fabien Roussel pour le PCF a été écartée de la sélection pour plusieurs raisons : trop de glissements vers des thématiques sécuritaires droitières, trop d'appels envers une vieille culture franchouillarde (la bonne viande, les apéroussel, « je suis coco et cocorico !»). Mais le problème est aussi et surtout la ligne économque affichée par le PCF durant cette campagne : la mise en retrait de mesures un peu visionnaires telles que la « sécurité d'emploi et de formation » (SEF) qui constituait une piste intéressantes pour faire face aux mutations du travail induites par la crise écologique et les évolutions de l'automation, ainsi que les déclarations sur le « roussellement » et les « 3 heureuses », qui témoignent d'une analyse sous-consommationniste de la crise et des problèmes socio-économique, totalement contre-productive. En effet, si nous voulons un jour résoudre les problèmes sociaux et sortir du capitalisme, il faut déjà comprendre ce qu'est le système, quelle est en son sein la source de la misère et de la crise. Roussel nous fait croire ici que ce problème serait la trop grande gourmandise des capitalistes qui en serait la cause. Il s'agit là d'un anticapitalisme tronqué qui ne regarde le problème que sous l'angle du rapport d'exploitation. Or une société débarrassée de ce rapport d'exploitation n'en serait pas mois encore exposée aux exigences du marché en termes de rentabilité, de cadences, de quantité de travail, de risque de précarisation, de chômage, de faillites. La SEF serait une mesure intéressante, parmi d'autres pour faire face à de tels risques, cependant, pour cela, il faudrait que les mesures sociales soient émancipées de leur nécessité d'être financées par la valeur produite (qui tend à se réduire), autrement dit par une forme d'accumulation du capital (fortement ralentie depuis plus de 40 ans). Pour se libérer, il faut marcher vers l'abolition de la société marchande !

Les 4 propositions qui suivent, chacune à leur façon, peuvent mener vers le communisme. Voyons maintenant leurs intérêts et leur limites.

 

# 1 L'UCL ou « l'anti-électoralisme politique »

Présidentielle 2022 : les 4 choix de l'anticapitalisme au premier tour, et après ?La campagne de l'Union Communiste Libertaire, bien que discrète, n'est pas dénuée d'intérêt. Comme toutes les organisations anticapitalistes, l'UCL prend la mesure des ravages crées par le capitalisme et les autres systèmes de domination et propose de traiter le mal la racine. Si les propositions ne manquent pas, retenons également que le changement ne se fait pas sur la base de solutions toutes faites dans les antichambres de la révolution, mais qu'il s'élabore en commun avec tou.te.s celles et ceux qui luttent contre le système capitaliste et ses ravages. Aussi, si le programme peut être important, la dimension démocratique des pries de décisions l'est également.

Le but de la campagne de l'UCL n'est pas, comme c'est le cas de nombre de campagnes anarchistes hors-sol, de s'inscrire dans un abstentionnisme forcené, type « élections piège à cons !», mais d'avancer un anti-électoralisme politique engageant « aux investissements collectifs, solidaires et concrets sur le terrain social », avec comme slogan « Je ne délègue pas mon pouvoir, je m’organise ». Il ne s'agit pas de se réjouir de la montée d'une abstention qui n'est pas corrélée à une progression du nombre de luttes ou du taux de syndicalisation, mais au contraire, de sortir de la démoralisation, non pas par l'espérance que peut produire un « sauveur suprême », mais par la prise en main de son existence à travers l'auto-organsiation et la lutte : « La confiance dans les institutions chute, la tendance lourde aux forts taux d’abstention l’atteste. En revanche, cette défiance envers le système ne se traduit pas assez par un engagement dans les luttes sociales. ». Le message est donc clair, plutôt que de trop se focaliser sur la désignation d'un président et d'une assemblée, l'essentiel est bien de s'organiser pour affronter la classe capitaliste. C'est bien sur ce terrain là que nous tou.te.s, militants de gauche, anticapitalistes, anarchistes, communistes, Insoumis.e.s, encartés ou non, par-delà nos différentes organisations, devons nous rejoindre !

Si la campagne de l'UCL tape juste, signalons peut-être une petite nuance pour conclure : son problème, c'est peut-être le manque de visibilité. L'UCL, dans sa campagne, n'a pas eu le droit aux temps de paroles et invitations dans nombre de médias auxquels ont eu accès les candidat.e.s révolutionnaires. Elle n'a pas non plus eu la même présence de terrain. Ainsi, le problème est qu'elle n'aura que peu d'écho malgré les efforts de ses militant.e.s, et que le message risque de finir dissout dans un abstentionnisme aphone plutôt que dans une position anticapitaliste clairement exprimée.

 

#2 Poutou, l'abstention utile !

Présidentielle 2022 : les 4 choix de l'anticapitalisme au premier tour, et après ?Entre la candidature de Philippe Poutou et la démarche de l'UCL, il y a en vérité beaucoup en commun. Nous mettons communément en avant l’abolition des institutions bourgeoises et le développement de la démocratie directe, le changement social par les luttes, la transition écologique radicale, les luttes antiracistes, féministes, LGBT+, l'anti-impérialisme, etc.. La différence est principalement stratégique. Tandis que l'UCL considère que les mouvements sociaux se représentent eux-mêmes à travers leurs luttes, et que leur parole n'a pas à être récupérée par les politiciens, le NPA se positionne comme porte-voix des luttes dans la sphère politique et médiatique. Cependant, cette stratégie a été fortement mis à mal par les divers chiens de garde du capital. La campagne de Philippe Poutou a été confrontée à de nombreux problèmes, que ce soit la difficile collecte des parrainages ou le refus de certains grands médias de la placer à égalité avec celles des autres candidat.e.s. C'est la preuve que le système peut se verrouiller lorsqu'il se sent trop fortement attaqué par une candidature révolutionnaire. Dès lors, il serait possible de s'interroger sur la pertinence d'une stratégie financièrement coûteuse aux faibles résultats en termes d'adhésion. Cependant, ce choix incombe uniquement aux militantes et aux militants du NPA. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de nous exprimer pour une voie du changement par les luttes, une voie anticapitaliste, anti-impérialiste, autogestionnaire, écologiste, féministe, antiraciste, une voix qui n'est pas là pour gouverner les institutions bourgeoises mais les abolir, bref une forme d'abstention utile qui, même si elle ressemblera à un murmure, pèsera davantage qu'une abstention combative inaudible dans un magma abstentionniste de résignation démoralisée. Pour ces raisons, ECR appellera à voter pour le Nouveau Parti Anticapitaliste et son candidat Philippe Poutou en 2022.

 

#3 Mélenchon, le vote stratégique

Présidentielle 2022 : les 4 choix de l'anticapitalisme au premier tour, et après ?Le programme de « l'avenir en commun » est pour le moins surprenant dans sa qualité au regard de ce que l'on pourrait attendre d'un programme réformiste quinquennal, et ce a a peu près tous les niveaux. Il faut saluer cet effort. Il est cependant dommage que la « sécurité d'emploi et de formation » (SEF), mesure du PCF qui était présente dans le programme du Front de Gauche de 2012, ait été écartée, d'autant que le PC l'a également mise en silence durant sa campagne. L’État comme employeur en dernier recours, c'est bien, mais pour quel emploi si l'on ne peut pas être formé.e pour un emploi en adéquation avec ses capacités et sensibilités éthiques ? Quoi qu'il en soit, le programme n'est pas mal du tout, il reprend nombre de mesures des programmes de transition marxistes-trotskystes en les articulant avec les enjeux des sociétés contemporaines, et amorce des évolutions sur les questions démocratiques, notamment au travail, allant dans le sens de plus de pouvoir de décisions et d'autogestion.

Alors, on peut toujours faire la fine bouche en allant chercher la petite bête sur tel ou tel point, mais comme disait Marx, « Un pas en avant vaut mieux qu'une douzaine de programmes ». Et en effet, si nous effectuions ce pas en avant, les effets ne seraient pas négligeables et nous pourrions ensuite aller beaucoup plus loin. Et c'est justement le point, aller plus loin. « L'avenir en commun » vaut en tant que programme, quinquennal, éventuellement décennal. Mais il ne saurait s'agir de le considérer comme un projet de société. Sur ce point, il est bien trop insuffisant. Le projet d'une VIème république en est un bon exemple. Si cette VIème république voyait le jour, il est déjà clair qu'il en faudrait une VIIème, une véritable république des conseils et des communes libres, à l'image de conseils ouvriers, de la commune de Paris, et, plus actuel, du confédéralisme démocratique au Rojava, une république fédéraliste fondée sur l'autogestion et l'abolition de la propriété privée des moyens de production et marchant vers l'abolition de la société marchande.

Donc insuffisance en termes de projet de société. Mais est-ce là la seule insuffisance ? Absolument pas. La campagne de Jean-Luc Mélenchon ne met pas assez l'accent sur la primauté des luttes pour changer la société. C'est peut-être évoqué de manière anecdotique, mais le message n'est pas suffisamment central. Il laisse ainsi penser que les classes dominantes, les états majors de la police et de l'armée, et les fascistes laisseront un président de gauche radicale et une ribambelle de parlementaires gouverner tranquillement. Partant, le risque est grand que se produise en France la même chose que ce qu'il s'est passé en Grèce avec le gouvernement Tsipras, et ce malgré les différences de poids géopolitique de la France. Autre risque : celui de la réaction internationale. On a pu constater récemment à quel point les sanctions économiques pouvaient être éprouvantes. Elles le sont aujourd'hui pour les peuples du monde entier, y compris le peuple russe (qui n'est pas à assimiler à son gouvernement). En cas de victoire de Mélenchon, et considérant les projets de sortir de l'Europe et de l'OTAN, des sanctions économiques internationales seraient à prévoir et il s'agira d'endurer et de trouver des moyens de donner le change sur ce terrain. Enfin, dernier risque mentionné ici, mais certainement pas le dernier d'une liste qui pourrait s'étirer à l'infini, la bureaucratisation et la déconnexion des élu.e.s avec la population. En dépit de toute bonne et solide moralité, le système de délégation du pouvoir produit de lui-mêmes les conditions d'une coupure avec les masses et l'habituation avec un certain confort. Le pouvoir corrompt, il ne fait pas qu'attirer les corrompus. Par conséquent, pour espérer pouvoir appliquer ce programme, et n'importe quel programme progressiste, qu'il soit plus ou moins radical que « l'avenir en commun », il faudra la combinaison, en France, d'un mouvement social fort, régénéré, dynamique et combatif, et à l'international, d'une solidarité de classe, éventuellement susceptible de donner lieu à des changements similaires de gouvernement dans les autres pays, et amorcer la constitution d'un nouveau bloc des non-alignés. La tâche est ardue, mais nous ne sommes pas à l'abri d'une bonne vieille ruse de la dialectique. Ainsi, peut-être qu'une victoire de Mélenchon serait susceptible d'apporter un tel souffle revigorant pour le mouvements sociaux de France, d'Europe et ailleurs dans le monde. C'est pourquoi, si Mélenchon parvenait au second tour de la présidentielle, il faudrait absolument le soutenir et lui apporter des voix supplémentaires pour tenter de le faire passer.

Cependant, il s'agirait bien là d'un soutien vigilent et critique. Critique à plusieurs niveaux. D'une part, le jeu de Mélenchon (et aussi du PCF) à aller chercher de l'électorat supplémentaire en mobilisant un imaginaire national, en multipliant les références au peuple plutôt qu'aux classes, et en effaçant les références à la gauche, que ce soit dans le vocabulaire ou la charte graphique et de coloration, peut constituer un jeu dangereux, au sens ou cet imaginaire agit de manière contre-hégémonique par rapport aux aspirations historiques du mouvement ouvrier internationaliste. Attention donc aux dangers de la post-modernité, aux tentatives de dédiabolisation, qui peuvent se transformer en liquidation des héritages révolutionnaires. Toujours en termes de discours contre-hégémoniques, attention également aux illusions sous-consommationnistes et keynésiennes que peuvent véhiculer de tels programmes. Si nous ne conservons pas la boussole de l'abolition du salariat, de la propriété privée des moyens de production et de la société marchande, nous risquons après une brève période de mieux être de retomber dans des séries de crises a répétitions, susceptibles d'engendrer pessimisme, démoralisation et restauration de l'ordre ancien. Ne l'oublions pas, l'avenir, c'est « socialisme ou barbarie », « le communisme ou la mort ».

A travers ces mises en gardes, il ne s'agit pas de jeter la pierre aux militant.e.s d'Ensemble, du Parti de Gauche, de la France Insoumise, de l'Union Populaire et de toutes les organisations qui soutiennent la candidature de Mélenchon. Nous sommes camarades et unis dans un combat commun contre le capitalisme. Nos divergences stratégiques ne doivent pas être la source de sectarisme, et nous devons continuer à lutter ensemble sur le terrain social, dans les syndicats et les associations, pour une société anticapitaliste, autogestionnaire, écologique, féministe, antiraciste et antifasciste.

Bientôt auront lieu les élections, et nous risquons de nous écharper encore, mais gardons en tête que nous nous retrouverons dans la rue pour lutter ensemble pour un meilleur avenir.

 

#4 Arthaud : La classe ouvrière avant tout

Présidentielle 2022 : les 4 choix de l'anticapitalisme au premier tour, et après ?Choisir de voter pour Lutte Ouvrière c'est mettre en avant le camp des travailleurs et des travailleuses. Comme le NPA, LO propose une adaptation du programme de transition Trotskyste, un programme social, anti-impérialiste, internationaliste, pour émanciper la classe ouvrière et préparer le passage au communisme. Sur ce point, nous ne pouvons que partager un grand nombre de convergences.

Cependant, par volonté d'être clair dans son message, LO fait l'impasse sur nombre d'enjeux et de mouvements sociaux dont il s'agit d'assurer la convergence afin de préparer le terrain de la révolution. Du point de vue contre-hégémonique, cette stratégie de mise en relief peut se tenir jusqu'à un certain niveau, dans la mesure où le pouvoir fait tout pour tenter d'effacer la lutte de classe, y compris la mettre en concurrence avec d'autres mouvements sociaux, avec lesquelles elle dont nécessairement converger. Mais d'un point de vue stratégique et tactique, une telle focalisation ne permet que difficilement d'exister dans l'ensemble de la société pour y faire triompher le point de vue du prolétariat. Au contraire, cette stratégie conduit vers l'isolement, l'entre-soi, la volonté de toujours trouver la petite bête chez les formations politiques les plus proches afin de se valoriser comme seul courant vraiment révolutionnaire. Avec une telle attitude, qui découle directement du léninisme, dont LO se revendique, le risque est aussi celui, advenu durant la révolution russe, de l'autoritarisme, de la répression et de l'élimination de tous les autres courants révolutionnaires. L'absence ce critique fondamentale du Léninisme à LO demeure la dimension inquiétante de la lutte. Il faut espérer que les camarades d'LO auront évolué sur ce point le jour de la révolution et que nous pourrons la mener communément de manière fraternelle. Dans le cas contraire, la présence d'un concurrent politique comme LO et la possibilité qu'il devienne hégémonique au sein de la classe ouvrière et dans ses secteurs stratégiques, constitue une boussole et un bon stimulant pour les révolutionnaires, afin de ne jamais oublier la nécessité de construire, également sur ces terrains là.

Pour finir, un dernier risque qu'il s'agit de mentionner ici est est celui de la fétichisation du programme de transition, au détriment du projet de société. Ce programme, utilisé comme objectif unique de la révolution, et outil fétiche à absolument réaliser avant toute chose et à la place de toute chose, pourrait jouer un rôle contre-hégémonique, faisant passer une société encore très imparfaite comme aboutie et indépassable. Au contraire, nous devons penser les changements, avec nos outils hérités, de manière souple et non dogmatique, mais sans de regarder la boussole qui est celle de l'abolition de la propriété privée des moyens, de production, du salariat et de la société marchande.

On comprendra donc les personnes qui choisiront de votez pour Lutte Ouvrière, même si ce n'est pas le choix qui sera retenu ici. Nous nous retrouverons bien évidemment dans les luttes. Tâchons de les mener de manière fraternelle et solidaire, afin de nous libérer ensemble du joug du capital !

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