théorie critique et émancipation radicale
Dans cet article, nos avons abordé la consommation uniquement du point de vue de la consommation personnelle, comme aboutissement du processus de production. En ce sens, la réflexion sur la consommation, et sur l'idée de "société de consommation", reste valable.
Cependant, nous n'avons pas abordé la consommation à la source : c'est à dire le fait que la production, elle-même, implique une forme de consommation de ressources matérielles et énergétiques. En ce sens, effectivement, la société est consumériste.
Cependant, cela ne remet aucunement en question l'idée fondamentale du texte, selon laquelle la consommation personnelle est guidée par la logique marchande et capitaliste. Ce qui est produit l'est pour être vendu, et la vente est animée ou motivée par la logique selon laquelle l'argent investi doit rapporter plus d'argent. Les produits proposés ne sont pas d'abord développés pour répondre à des besoins sociaux, mais au besoin de rapporter plus d'argent. Le besoin est crée.
D'autre part, le texte laissait suggérer la difficulté d'envisager une société non marchande (sans argent ni échanges de biens contre de l'argent sur des marchés anonymes". Cette réflexion a depuis été largement dépassée, notamment par l'étude des travaux des "critiques de la valeur", la "physionomie sociale" de Kropotkine et les réflexions des communistes anarchistes, nos réflexions sur l'économie en tant que rapport social et sur le communisme.
Dans ce texte, nous avons occulté la réflexion sur les contre-productivités. L'objet du texte était, en effet, de dissocier la logique de production de masse et la logique de gains de productivité. Ce cette manière, il s'agissait de faire apparaitre les deux voies possibles de l'augmentation de la productivité, de critiquer celle de l'augmentation du volume de production, et de défendre la perspective de la réduction du temps de production nécessaire et de développement du temps libre.
Dans ce texte, nous n'avons pas tenu compte des dynamiques marchandes-capitalistes, en fonction desquelles, du point de vue du capitaliste individuel, l'augmentation de la productivité est destinée à l'augmentation de la production, afin d'augmenter les ventes et donc les profits. Ce phénomène est accentué, également, par l'augmentation de la part du capital constant (les machines), dans la composition organique du capital (machines + travailleurs). La machine permet des gains de productivité et des économies en travail humain, donc de salaires versés, ce qui permet au capitaliste individuel, de bénéficier d'un profit proportionnellement plus important. Mais dans le même temps, avec la diminution des coûts unitaires, liés à la concurrence et au rattrapage technique des concurrents, cette marge diminue, tandis que l'expulsion toujours plus importante d'une masse de travailleurs alors déqualifiés, remplacés par les machines, et non-exploitable pour le capital, génère réciproquement un manque en terme de débouchés de vente pour les entreprises. D'un point de vue plus global, les capitalistes individuels sont entrain, en quelque sorte, de tuer le système capitaliste.
Mais ils le tuent d'une toute autre manière également. En consommant trop vite, les ressources matérielles et énergétiques nécessaires à la production, en se basant sur des énergies ressources limitées et non renouvelables, en rasant des forêts et en éliminant des pans entiers de biodiversité, en dérégulant le climat et la géologie, en contaminant l'eau, les sols, l'atmosphère, en mettant en place des systèmes énergétiques extrêmement puissants, peu fiables en termes de sécurité et extrêmement dangereux quant à leurs conséquences sanitaires, le capitalisme et les capitalistes qui sont pris dans le processus, menacent et la pérennité de leur système et la possibilité de la vie humaine sur terre.
Le capitalisme fait donc face à une double contradiction, non seulement juxtaposée, mais aussi imbriquée. la concurrence, impliquant l’augmentation de la productivité, provoque, par le rattrapage technique, une dévalorisation de la production en fonction cette même augmentation de la productivité. Le seul moyen de le surmonter et de survivre dans la "jungle marchande", implique un nouveau bond de productivité. Ils 'agit d'une course sans fin à la productivité pour éviter la faillite. Ce phénomène, et non le fait de "produire pour produire", est le sens véritable du "productivisme" réel, c'est à dire un productivisme-productionnisme-capitaliste. Mais d'un autre côté, l'accélération capitaliste devient insoutenable à la fois en ressources et d'un point de vue métabolique, et dévoile donc l'impasse du capitalisme, obligé de produire plus et plus vite pour éviter la dévalorisation, au prix d'une dégradation des métabolismes et des équilibres naturels, jusqu'au point où les matériaux et les énergies viendront à manquer, ce qui provoquera à la fois une décroissance subie et brutale, et une série de crises économiques, sociales, sanitaires, et politiques.
L'hypothèse d'une surdétermination technique impliquant que si les moyens de production de masse existent, ils seront employés jusqu'au bout pour produire massivement, qui est le sens de la formule "produire pour produire", formule utilisée par nombre d'antiproductivistes pour définir le "productivisme", comporte certes une portée relative, liée à la logique de l'Hybris, de la démesure, et tend a se positionner comme critique des idéologies communistes prométhéennes. Cependant, si les tendances à la modération et à la démesure coexistent au sein de la psyché humaine, ce que Freud qualifiait de principe de plaisir et principe de réalité, le phénomène social capitaliste-marchand et sa promotion idéologique (la publicité, discours pro-croissance économique et pro-consommation) destinée à garantir la survie du système, exercent une influence conséquent en termes d'exaltation de l'Hybris et au niveau de sa canalisation dans la forme consommatrice-marchande.
Dans ce texte, tout en gardant en vue les limites de l'industrialisation en termes de soutenabilité (là ou le choix réside entre augmentation ou maintient de la productivité en baissant la production et donc en libérant du temps, et baisse de la production par la baisse de la productivité, donc en augmentant globalement la charge de travail-horaire) ; nous nous sommes concertés sur la déconstruction de l'idéologie réactionnaire anti-industrielle et pro-artisanale. Nos avons tenté de séparer les dimensions de l'industrialisation propres aux capitalistes que sont le commandement lié au droit de propriété, concernant la nature de la production, les méthodes de production, les conditions de production, ainsi que la standardisation de la production liées aux économies d'échelles ; d'avec les dimension de l'industrialisation plus propices à l'émancipation des producteurs quant au temps consacré à la production, l'économie de la force, la mise en commun des connaissances, des savoirs faire, de l'intelligence, etc.
Cependant, nous n'avons pas traité jusqu'au bout de la question de la concentration et la centralisation gestionnaire, bureaucratique, d'expertise et de pouvoir, que comportaient ces structures. Nous sommes partis du principe, propre à la perspective d'autogestion sociale généralisée, que la production pourrait être déterminée démocratiquement par la société qui en a l'usage, coordonnée ensuite par une administration sans pouvoir (une "bureau-a-cratie"), tandis que les conditions de production pourraient être décidées, aménagées, au sein des unités de production.
Nous n'avons pas non plus traité correctement, dans ce texte, de la question de la relocalisation. S'il est démontré que la centralisation industrielle s'avère nécessaire à un certain point pour éviter certains gaspillages, il n'est pas envisageable, à l’avenir, de développer une division intercontinentale de la production. Une telle organisation impliquerait en effet un acheminement couteux en termes de ressources (d'ailleurs périssables), fortement émetteur de CO2, et peu respectueux de la biodiversité.