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Dossier présidentielles 2017 : La crise politique
Notre époque est traversée par des crises multiples
La société subit actuellement toute une série de crises économiques, écologiques, sociales, culturelles, et politiques. Les partis politiques candidats à l’élection sont soit incapables de reconnaître ces problèmes, soit incapables de formuler des solutions réellement efficaces, soit incapables de les mettre en pratique. Pourtant, des solutions existent. Encore faut-il comprendre les causes du problème et être prêts à opérer les changements qui s’imposent.
La critique de l’Etat : une critique systémique de la politique
Le problème de la démocratie représentative
La démocratie représentative pose problème à trois niveaux : La professionnalisation, le mandat libre et la logique du vote.
Le problème de la professionnalisation de la politique :
On peut tout d’abord évoquer le carriérisme. Les mêmes personnes monopolisent les postes de pouvoir, en font une profession, et cherchent à le conserver pour conserver leur emploi. Vient ensuite le cumul des mandats, c'est-à-dire l’exercice simultané de plusieurs mandats électoraux : même problème de professionnalisation et de monopolisation du pouvoir, mais aussi risque de confusion et de manque de rigueur dans l’exercice de deux mandats parallèles, ainsi que problème constatable d’absentéisme. Enfin, du fait de la professionnalisation, se développent deux phénomènes : la déconnexion des élus par rapport à la population, et la technocratie, c'est-à-dire, ici, la connaissance des dossiers comme forme de pouvoir.
Le problème du mandat libre :
Une fois en place, l’élu prend les décisions, vote et propose les projets de loi qu’il veut, indépendamment de la base qui l’a fait élire et sans contrôle ou possibilité d’imposer à l’élu de respecter ses engagements, ni de le révoquer. Le débat y est stérile, les assemblées politiques (conseils municipaux, communaux, départementaux, régionaux, parlement national, parlement européen) ne sont pas des espaces de réflexion sérieuse et de décisions sages et rationnelles, des arènes politiques ayant fonction de chambres d’enregistrement des débats, parasitages, poursuite des campagnes politiques des partis à des fins d’élections ultérieures.
Le problème du vote pour des candidats :
Chaque candidat ou parti présentant un candidat prépare son programme intégral sans participation de la population, et la population ne peut choisir, thème par thème, les meilleurs éléments de chaque programme (social, économie, écologie, culturel, international, etc.). Il en résulte que l’élection s’opèrera en fonction de la préférence de l’électorat pour une thématique ou deux au détriment des autres, et, de la part des candidats, une démarche démagogique : on mettra en avant les thématiques qui permettront d’obtenir l’électorat le plus nombreux. La course à la démagogie aboutit de manière récurrente sur de belles promesses non tenues. Celles-ci ont pour conséquence directe une baisse de la participation électorale. Un autre phénomène, plus récent historiquement, est celui de la people-isation, c'est-à-dire l’apparence, la mise en spectacle de la vie et des frasques des candidats, et le vote sur l’image marketing plutôt que sur le fond.
La séparation des fonctions de décision politique, crée par le système de démocratie représentative, le mandat libre, et la logique du vote, ajouté à celui de la création de complexe d’infériorité par l’écrasement technocratique, et à la trahison régulières des promesses électorales, (ainsi que le travail à plein temps ne laissant pas le temps de réfléchir et de s’informer correctement, la publicité et l’industrie du loisir comme occupation de l’attention pour obtenir des parts de marché) aboutissent au désengagement individuel, à une logique de découragement et de déresponsabilisation du peuple par rapport aux décisions des élus, et en définitive à baisse de la participation populaire à la politique et au vote lui-même.
Le problème de la domination charismatique
Le modèle des démocraties perpétue les phénomènes de domination charismatique. Il pousse à élire un dirigeant qui sera responsable des affaires d’un territoire. Cette forme de délégation du pouvoir favorise les phénomènes d’identification projective. L’individu se nie lui-même en s’identifiant au candidat, au dirigeant. Il en résulte une forme de déresponsabilisation et négation de la capacité de réflexion et d’action politique de l’individu lui-même, plaçant ses espérances dans un homme providentiel agissant dans son intérêt et à sa place. Dans les cas les plus extrêmes, l’identification devient soumission et peut aller jusqu’au fanatisme.
La critique de l’Etat
Qu’est-ce que L’Etat ?
Pour les libertaires, l’Etat est une instance qui s’érige en surplomb de la société et la commande.
Pour Marx également : dans les manuscrits de 1871 sur la Commune, il qualifie l’Etat d’« avorton surnaturel de la société ».)
L’Etat constitue un appareil de répression et de conditionnement idéologique :
(Le concept « d’hégémonie culturelle cuirassée de coercition » de Gramsci, Idéologie et appareils idéologiques d’Etat d’Althusser).
Appareils Répressifs : police, armée, justice.
Appareils Idéologiques : Eglise, école, service militaire, travail, famille (reproduction sociale de la socialisation par les institutions), justice, médias.
Les gouvernements ont toujours plus ou moins articulé conditionnement et répression, insistant sur l’une ou l’autre de ces dimensions en fonction des périodes. Dans les régimes naissants, c'est-à-dire au lendemain de prises de pouvoir, l’Etat est répressif et prend davantage le contrôle de l’appareil idéologique, tandis qu’à long terme, il a plutôt tendance à laisser faire, exerçant une fonction de veilleur. Biens que ces schémas aient été systématisés et popularisés par des marxistes, les libertaires ont développés les mêmes analyses critiques concernant les institutions de reproduction sociale, de la justice et des médias.
Différence destruction/dépérissement de l’Etat
Si Marxistes et Anarchistes s’accordent sur la disparition de l’Etat après la révolution, les marxistes parlent de « dépérissement », tandis que les anarchistes parlent de « destruction » de l’Etat.
Le dépérissement signifie la dissolution progressive de l’Etat après une période indéterminée de prise de pouvoir. La destruction signifie la disparition de l’Etat dès le début de la révolution, les structures d’auto-organisation du prolétariat préalablement développée dans le cadre de la lutte de classe et de sa constitution en tant que contre-société, étant vouées à le remplacer.
L’Etat n’est pas un outil neutre. En tant que tel, il ne peut-être ni utilisé en tant que tel, ni réformé. Il ne s’agit donc pas de remplacer la bourgeoisie corrompue par des hommes honnêtes de gauche, mais de défaire l’édifice et de créer un système différent : « La classe ouvrière ne peut prendre tel quel l’appareil d’Etat et de le faire fonctionner pour son propre compte, elle doit le détruire de fond en comble » (Marx Karl, La guerre civile en France, 1871).
Détruire l’Etat veut dire détruire cette structure de commandement séparée de la société et s’imposant à elle, et créer une nouvelle forme de démocratie. Attention à une confusion courante, répandue par les libéraux-libertariens : Détruire l’Etat n’est pas détruire l’administration. L’administration n’étant plus asservie au commandement hiérarchique central de l’Etat est soumise à la volonté de la base de la société, et autogérée dans son fonctionnement.
Le problème du centralisme :
Le centralisme peut être critiqué de deux points de vue : d’une part, son aspect coercitif, d’autre part, son inefficacité. Il s’agit d’une logique autoritaire d’association forcée, parfois au détriment des intérêts des populations. Il existe un lien entre cette dimension contraignante et son inefficacité. D’une part, on ne peut tirer le meilleur d’une collectivité si celle-ci ne se sent pas incluse dans un projet commun, mais contrainte et désavantagée. Elle mettra de la mauvaise volonté dans la réalisation des objectifs fixés par l’Etat central. Elle exercera parfois une fonction de parasitage. Enfin, le centralisme à tendance à imposer des décisions ne correspondant pas aux aspirations et aux besoins de la base. Il impose aussi des modes de fonctionnement parfois lourds et moins efficaces aux travailleurs de terrain. Les Etats actuels s’en sont rendus compte et s’orientent vers plus de décentralisation, mais dans les conditions du capital et sous l’égide de l’Etat et de la domination politique de la classe bourgeoise.
La critique de l’Etat bourgeois
L’Etat est l’instrument de la classe dominante
Ses différentes fractions se livrent bataille pour en obtenir le contrôle. Les partis politiques visant à la conquête de l’Etat pour exercer le pouvoir représentent ces différentes fractions de la bourgeoisie.
L’Etat est de fait subordonné au capital
Il ne fabrique ni ne contrôle le capitalisme. Il exerce une fonction d’agent régulateur. Les relations de pouvoir entre économie et politiques sont complexes, et l’Etat peut parfois intervenir pour modifier les conditions du capitalisme, mais en dernière instance, c’est l’économie qui a le dernier mot. Cela vient du fait que la philosophie générale du droit bourgeois, duquel découlent la constitution et les lois, est fondée sur deux idées fortes : le droit de propriété privée des moyens de production, qui induit le salariat et la concurrence, liberté de l’offre et de la demande, dont découle l’échange marchand, le caractère « accidentel » de la réalisation de la valeur, et donc l’échange non garanti de biens, services et force de travail contre de l’argent. Sans modification de ces conditions d’incertitude, l’économie reste vulnérable aux crises. Une telle modification suppose un maitrise politique des modes de production et de distribution des biens, services et des tâches productives à accomplir, en totale contradiction avec les fondamentaux du droit bourgeois. On ne peut donc attendre que les Etats capitalistes inscrivent un tel projet dans leur agenda. D’autant qu’il faudrait a minima un accord international large sur des espaces parfaitement autonomes du point de vue matériel et énergétique pour réaliser un tel projet. Sans cela, l’Etat ne peut que bricoler des mesures afin de protéger et de faire progresser le capital de ses ressortissants nationaux. Et l’on constate bien dans quelle impasse il se trouve actuellement.
Le problème de la corruption
« Ce ne sont pas les hommes de pouvoir qui sont corrompus, c’est le pouvoir qui corrompt ! »
L’installation au pouvoir déconnecte des aspirations de la base. Elle confère des avantages matériels et une reconnaissance symbolique. L’enrichissement et la corruption sont des faits naturels, des conditions structurelles, de la société capitaliste. Pour que les élus restent dans le camp de la bourgeoisie et se démènent pour satisfaire ses intérêts, ils doivent être bien payés. La compétition pour les places dans l’élite économique ou politique, propre à la bourgeoisie, amène spontanément à tricher et à faire tomber les tricheurs. Dénoncer un président ou un ministre corrompu n’amènent qu’à remplacer ce dernier par un candidat avide de prestige et de richesse.
La reproduction sociale de la classe politique
Les grands élus viennent souvent des mêmes milieux sociaux et des mêmes écoles que les grands industriels ou financiers. De plus, on constate aussi que certains politiciens le sont de père en fils. Ce parcours créer inévitablement des réseaux d’entraide, qui permettent et d’entrer dans le pouvoir et d’y faire carrière.
Le problème du réformisme stratégique
La démocratie libérale à ouvert la possibilité aux partis ouvrier de se présenter aux élections, d’obtenir des élus et d’être représentés dans les instances de pouvoir. Cependant, il existe des raisons expliquant que depuis leur arrivée dans les instances politiques, ces partis n’ont pas réussi à percer, ou ont échoués une fois arrivés au pouvoir.
Impuissance en situation de minorité
D’une part, la présence d’élus en minorité dans des instances politiques ne permet que de se plaindre des décisions prises par la bourgeoisie, mais ne permet pas de les empêcher.
D’autre part, il pousse à des alliances stratégiques avec des partis capitalistes du centre gauche pour faire passer des mesures « sociales » souvent peu déterminantes, souvent au prix de renoncements programmatiques. De telles démarches ne peuvent que discréditer des élus anticapitalistes.
Impuissance en situation de majorité
Même en situation de majorité, la stratégie réformiste reste impuissante. Il n’est d’une part pas possible de démonter l’Etat et le capitalisme bout par bout à coup de modification de ses institutions périphérique, sans s’attaquer à leurs institutions centrales. D’autre part, le capitalisme ne peut être démantelé sans autonomie de la production sur un espace donné et sans capacité d’endiguer les réactions de représailles au niveau international. Ensuite, sans contrôle de la production, et sans l’appui d’un rapport de force effectif au niveau de la base de la société, la petite armée de représentants politiques reste impuissante et n’a d’autre choix que la capitulation programmatique. Enfin, à force de vouloir changer des petites choses immédiatement, il arrive que des élus ou des formations politiques entières basculent d’une logique de transformation sociale à une logique de gestion de l’existant, d’accompagnement du capitalisme.
Le problème de la stratégie de prise de pouvoir autoritaire
« Le putsch, la prise du pouvoir d’Etat par une minorité de révolutionnaires à travers l’insurrection armée, ne marche pas, et ce à plusieurs niveaux :
Sans le concours de la majorité de la population, un groupe insurrectionnel ne fera aucune révolution, et devra faire face à la pression populaire. L’Etat risque vite de devenir un appareil centraliste bureaucratique et de répression de masse. L’insurrection, ne marche donc qu’avec le soutien de la grande majorité de la population.
Si le soutien est passif, les révolutionnaires se retrouvent vite bien seuls face à la classe capitaliste du monde entier. A ce moment, soit ils répriment le peuple, soit ils se font destituer ou éliminer rapidement par les capitalistes.
Si le soutien populaire est actif, la prise de pouvoir peut marcher un temps. Mais reste alors le risque d’une déconnexion entre les dirigeants et la population, d’un accaparement du pouvoir et d’une dérive bureaucratique et despotique. Prendre le pouvoir de cette manière ne marche donc pas non plus ! Il faut donc éviter de le prendre et trouver autre chose.
Depuis plus d’un siècle, le mouvement des travailleurs, et notamment sa tendance libertaire a expérimenté et théorisé l’auto-organisation de classe, ou autonomie politique des travailleurs : c’est à dire l’union de la classe des travailleurs, qui commence à s’organiser en tant que classe consciente de ses intérêts, autonome par rapport à la tutelle de la classe capitaliste et de l’Etat, et qui, de fait, se confronte a son commandement.
Elle peut prendre plusieurs formes au départ : le syndicat (combattif), l’association (de lutte, non financée par l’Etat), le collectif, ou le parti (non-institutionnel ou antiparlementaire). En gros, des groupements de pression qui vont manifester sur différents terrains pour tenter de faire aboutir des revendications concrètes ou immédiates. Mais pour aller plus loin, cette dynamique d’organisation doit muter, avancer.
Il faut des luttes de masse, un grand mouvement social, avec des organisations de classe qui agissent à tous les niveaux de la société : des syndicats révolutionnaires sur les lieux de travail et des comités de quartiers et de lutte de classe dans les villes, et sur de multiples thématiques : économie, politique, écologie, mœurs&culture. Quand le mouvement devient suffisamment puissant, que les gens sont nombreux et galvanisés par le nombre, qu’ils mènent des luttes sociales et parviennent à en gagner de plus en plus, qu’ils ont confiance en eux, en leur capacité à changer les choses et à tenir la société sans la tutelle de la classe capitaliste et de l’Etat, s’installe alors une situation de double pouvoir. Vient ensuite une période de confrontation finale avec le pouvoir en place, qui commence à s’effondrer, et tente alors de se défendre et d’attaquer pour se maintenir. C’est durant cette période qu’il faut le balayer, sous risque de se faire balayer soi-même. De là, les travailleurs constituent des conseils de gestion directe des lieux d’habitation et des lieux de travail.
La démocratie libertaire
Aussi appelée démocratie directe, autogestion, démocratie directe autogestionnaire, fédéralisme libertaire, fédéralisme autogestionnaire.
*A Ne pas confondre avec la « démocratie directe » à la Suisse, ni avec le fédéralisme US ou Allemand, ou encore les logiques de décentralisation, régionalisation, ni avec l’autogestion capitaliste type SCOP et autres. Tout ceci peut parfois être utilisé par les libéraux, libertariens, ou encore par des mouvements populistes, d’extrême droite. Tous ont en commun de défendre la base capitaliste de la société, donc de soumettre la démocratie aux dynamiques économiques. Ils ne tiennent pas compte de l’égalité en termes de ressources économiques et d’instruction nécessaire à une prise de décision rationnelle et informée et à la formation d’un véritable intérêt général.
Autogestion : une première définition claire :
« Nous voulons une société autogérée. Qu’est-ce que cela veut dire ? Une société qui se gère, c’est-à-dire se dirige, elle-même. Mais cela doit être encore précisé. Une société autogérée est une société où toutes les décisions sont prises par la collectivité qui est, chaque fois, concernée par l’objet de ces décisions. C’est-à-dire un système où ceux qui accomplissent une activité décident collectivement ce qu’ils ont à faire et comment le faire, dans les seules limites que leur trace leur coexistence avec d’autres unités collectives. Ainsi, des décisions qui concernent les travailleurs d’un atelier doivent être prises par les travailleurs de cet atelier ; celles qui concernent plusieurs ateliers à la fois, par l’ensemble des travailleurs concernés, ou par leurs délégués élus et révocables ; celles qui concernent toute l’entreprise, par tout le personnel de l’entreprise ; celles concernant un quartier, par les habitants du quartier ; et celles qui concernent toute la société, par la totalité des femmes et des hommes qui y vivent. »
Cornélius Castoriadis, dans autogestion et hiérarchie
On a ici quasiment l’ensemble des traits principaux de la démocratie libertaire :
-L’assemblée générale comme base décisionnaire
-La libre association et le fédéralisme
Plutôt que d’inclure de manière autoritaire des populations à un collectif, on leur présente l’intérêt de s’associer, permettant par la mise en commun de plus grandes possibilités. La libre association débouche sur le principe fédéraliste, qui est l’inverse du centralisme. Tandis qu’avec le centralisme les décisions viennent du centre pour s’appliquer à la périphérie, du haut vers le bas ; avec le fédéralisme, les décisions se construisent à la base de la société, les populations des territoires en accords entre eux développent des projets communs.
*Pour Bakounine, existe la liberté de ne pas s’associer ou de sécession pour l’individu ou pour le groupe, mais il doit se débrouiller par ses propres moyens, sans interaction avec la société, sans bénéficier de ses avantages. Il s’agit certes d’une perspective plus précaire, mais elle pousse l’individu à des choix responsables.
Ne manque que la réflexion sur la question des mandats :
-Le mandat impératif : révocable à tout moment, durée déterminée et suffisamment courte, limité dans le nombre de renouvellements. Le mandaté doit porter la parole de l’assemblée et lui rendre des comptes. Le but est d’éviter la monopolisation du pouvoir, la déconnexion par rapport à la volonté et aux besoins de la base de la société, la rétention d’information, la techno-bureaucratisation, la corruption des dirigeants.
La démocratie directe libertaire peut-être appliqué à plusieurs niveaux :
-Tout d’abord pour ce qui concerne le projet révolutionnaire : dans la cité et au niveau de la production.
-Ensuite, pour ce qui concerne l’expérimentation prérévolutionnaire et la stratégie révolutionnaire : dans les mouvements sociaux et les organisations du mouvement social (syndicats, associations, collectifs, comités de lutte) et l’organisation libertaire.
Communalisme libertaire ou syndicalisme révolutionnaire ?
Au niveau du projet révolutionnaire, parmi les anarchistes, différentes propositions d’organisation s’opposent : Communalisme Libertaire / Syndicalisme Révolutionnaire & Anarcho-syndicalisme.
Communalisme libertaire : autogestion des communes libres. Le communalisme est apparu au début du mouvement ouvrier. Le travail était encore très localisé, si ce n’est quelques grands monopoles transnationaux que les anarchistes voulaient collectiviser. Il y avait une certaine autonomie locale dans la production, et la gestion politique du territoire pouvaient ainsi inclure la gestion économique.
Aujourd’hui, le communalisme libertaire pourrait être comparé au mouvement des ZAD, aux régions, villes ou quartiers autogérées (Chiapas, Oaxaca, Marinaleda, Exarchiea, Christiania).
Il se rapproche aussi du municipalisme libertaire de l’anarcho-trotskyste américain Murray Bookchin, qui en est une version électoraliste. En plus de contenir les mêmes limites que le communalisme libertaire, le municipalisme libertaire consiste en une vision interclassiste, basée sur une analyse des mutations du travail et de l’évolution des classes sociales erronée [1].
Syndicalisme révolutionnaire & Anarcho-syndicalisme : avec le développement de la grande industrie et de la division géographique de la production : gérer les territoires n’est alors plus pertinent. Le pouvoir ne réside plus dans les villes, mais à l’échelle des nations, des continents, du monde. La satisfaction des besoins matériels étant nécessaire à la vie humaine, la gestion de la production prime sur celle du territoire. Le pouvoir réside dans le fait qu’un territoire révolutionnaire peut être mis à genoux par des puissances extérieures (décisions politiques de pression économique, dynamique du capitalisme) qui le condamneraient à la misère, ou, au contraire, qu’un territoire capitaliste peut être contraint par une fédération syndicale bloquant ou gérant les secteurs clés de l’économie. En cela, une fédération syndicale dispose de plus de puissance sociale qu’un cartel politique, une fédération syndicale gérant la production plus de puissance sociale qu’un Etat-Nation.
Le but du syndicalisme révolutionnaire est que le syndicat s’empare des outils de production pour la gérer, mais aussi développe, à partir de sa propre structure, des organes relais d’intervention dans la vie sociale et de gestion de celle-ci (cela peut être des associations ou des collectifs militants, des clubs de sports, arts et loisirs, ou encore des organes de recensements des besoins des populations, etc.).
(La différence entre syndicalisme révolutionnaire et anarcho-syndicalisme réside surtout au niveau de la stratégie. Les anarcho-syndicalistes considèrent que le syndicat doit être ouvertement anarchiste et ne recruter que des militants anarchistes. Le syndicalisme révolutionnaire, pour les libertaires, consiste dans un travail unitaire au sein de syndicats de masse (SUD, CGT) avec des militants d’autres courants et orientation, pour ne pas rester dans l’entre-soi, être au cœur des débats et convaincre d’autres militants [2].
Quelle forme d’organisation ?
Les communes libres doivent-elles s’accorder entre-elles sur la production ou les syndicats doivent-il encadrer l’administration des territoires ?
Il n’existe pas de réponses à priori. Certains libertaires développent des modèles hybrides, complexes. Par exemple, le projet d’organisation d’une société anarchiste de Pierre Besnard (Pierre Besnard, Le Monde Nouveau) ou le projet communiste libertaire d’AL développent une articulation entre fédération des communes libres, gérée par la population locale, et fédération de l’industrie, gérées par les travailleurs organisés démocratiquement dans le cadre d’un grand conseil ou syndicat.
Il existe différentes possibilités. La clé étant que la population doit trouver une forme d’organisation permettant de gérer en commun la production et l’administration des territoires.
Pour AL, ou d’autres organisations libertaires comme la CNT (les CNT), la satisfaction des besoins étant une priorité sociale, l’économique prime sur le politique, ce qui justifie le choix du syndicats comme outil de transformation sociale révolutionnaire, la démarche de militant syndicaliste, ainsi que la tentative de développement des formes de démocratie libertaire en leur sein.
[1] Pour une critique du municipalisme libertaire de Murray Bookchin : http://libertaire.pagesperso-orange.fr/archive/2001/236-fev/municipal.htm.
[2] C’est par exemple le but du site web « communistes libertaires CGT » : http://communisteslibertairescgt.org/
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