• Pourquoi le Front National ne viendra-t-il pas à bout des crises ? (II Crise écologique)

    II La crise écologique

    Depuis quelques années, le FN intègre des propositions écologiques dans son programme. En décembre 2014, il a même lancé des collectifs larges sous le label « Nouvelle Ecologie » (http://espritcritiquerevolutionnaire.revolublog.com/la-nouvelle-ecologie-du-front-national-a114373986). Comme dans la partie économie, nous passerons en revue différents points de ce programme, avant de procéder à la critique.

    1 Le programme écologique du Front National et des collectifs « Nouvelle Ecologie »

    Hormis le fait que le FN souhaite contester les poudres aux yeux écologiques envoyées successivement par les gouvernements PS et UMP, il entend contester le monopole écologiste d’Europe Ecologie Les Verts. Il s’agit donc surtout d’une stratégie électorale, se positionnant sur des points comme la question de la place stratégique de l’Etat-Nation (on reviendra sur le point dans la partie suivante abordant la question de la politique), sans véritable critique écologique de fond des propositions d’EELV. On y retrouve donc des idées assez similaires à tous les partis prônant un écologisme bon teint :

    • Mesures contre le transport international de marchandises
    • Mesures contre l’obsolescence programmée
    • Mesures contre le grand éolien, le photovoltaïque, les bio-carburants
    • Interdiction des OGM et renforcement des normes sanitaires
    • Lutte contre la déforestation
    • Développement de l’agriculture bio
    • Critique des mégastructures (dont aéroports)
    • Sortie de la PAC
    • Critique des monocultures et revendication d’une agriculture diversifiée
    • Critique de l’urbanisme et défense de nouvelles chartes paysagères respectant l’esthétique traditionnelle
    • Développement du transport fluvial

    D’autres propositions sont plus spécifiques au FN :

    • Développement de l’hydraulique, des Bio-gaz, du bio-pétrole
    • Passage pour le nucléaire civil de l’uranium au thorium
    • Modernisation et renforcement de la sécurité des centrales
    Ainsi que d’autres mesures que l’on retrouve généralement chez la majorité des écolos et altermondialistes.

    Il est vrai qu’il s’agit d’un programme nettement plus consistant que les propositions de défense des phoques de Frigide Barjot. Cependant, il existe plusieurs grandes limites à ce programme.

    2 Critique du programme économico-écologique du Front National

    Le programme du Front national s’inscrit dans le cadre d’une économie de marché (protectionniste). Dans ce cadre, pour mettre en œuvre ce programme, le FN aurait donc besoin de trouver des financements. Pour cela, il faudrait prélever l’argent soit chez les particuliers (impôts, baisses des salaires), soit chez les possesseurs de capital (les industriels, les spéculateurs, les banquiers). Or nous avons identifié, dans la partie précédente sur l’économie, que les particuliers subissaient déjà des crédits à rembourser et une basse de leur pouvoir d’achat, et que le FN projetait une diminution de leurs salaires indirects (et peut-être directs), qu’ils auraient davantage à assumer par leurs propres moyens leur protection sociale, et que tout cela jouait dans le sens d’une baisse de la demande solvable, donc d’un manque à gagner au niveau de la masse de profits, pouvant être destinés à l’investissement productif (dont l’augmentation était censée compenser la baisse du taux). De fait, il n’est que difficilement possible de concilier un financement écologique suffisant avec un financement à l’investissement productif et à la ré-industrialisation suffisant. Nous avons aussi vu que les banques étaient en difficulté du fait que les acteurs de l’économie réelle avaient du mal à rembourser leurs crédits, que les Etats devaient les soutenir et donc procéder à de l’austérité budgétaire et de la casse du service public.

    On entend certes dire que l’écologie est un secteur créateur d’emploi, qu’une croissance verte est possible. Mais c’est une vision à court terme. Les créations d’emploi au niveau du bâti et du renouvellement des infrastructures sont potentiellement non pérennes. Une fois que tout serait bâti, il n’y aurait plus besoins d’autant de main d’œuvre, et le reste servirait à de la rénovation ponctuelle. Il n’y aurait donc pas une croissance durable des activités productives. De plus, hormis un boom de production à un moment donné, il s’agit plus d’une modification de la nature d’activités déjà existantes, donc d’un remplacement d’une activité par une autre. Il en va de même pour tout ce qui est secteur des énergies nouvelles, puisque dans le même temps, on supprimerait les anciennes. De même que l’abolition de l’obsolescence programmée, augmentant la durée de vie des biens produits, n’amènerait à une croissance sectorielle relative. Elle provoquerait une hausse de la demande dans le secteur en question, et en conséquence une baisse de la demande des produits plus obsolescents. Du fait qu’il y aurait besoin de remplacer moins souvent les biens, elle amènerait sur le long terme à une baisse générale et importante et la production, donc du nombre de personnes salariées, de la demande solvable, de la masse de profits. Enfin, l’accumulation liée à la création d’un nouveau secteur d’activité écologique, où les entreprises démarrent en situations de semi-monopoles, seraient bien vite annulée par l’entrée en course de nouveaux concurrents et les rattrapages techniques réciproques. Le secteur écologique sera donc aussi soumis aux tendances à la baisse des taux de profits, avec une difficulté à en augmenter la masse, du fait de la pression concurrentielle à la baisse des coûts.

    Ce qui rend les choses encore plus compliquées, c’est que la transition écologique se finance non de manière autonome, mais en puisant sur une part des profits de l’industrie classique, soit sous forme de taxes, soit en se plaçant comme coût de production additionnel, tandis que les marges de profits et les masses de capitaux disponibles des entreprises sont en déclin. En conclusion, cette écologie est peut-être rentable pour quelques entrepreneurs capitalistes en reconversion, mais elle ne l’est pas pour l’ensemble du capitalisme. En tant que secteur économique non-autonome, elle ponctionne sur la croissance, déjà en grande difficulté (disons le clairement, en crise), de l’économie réelle, plutôt que de ne générer de la croissance supplémentaire. Cette manière de procéder à la transition écologique entre en contradiction totale avec la volonté, émise par le FN et tous les partisans d’une relance (illusoire) de la croissance et d’un sauvetage de l’économie de marché, d’allègement des « charges » des entreprises et de financement de l’investissement productif. La croissance verte n’est donc qu’une impasse économique.

    3 Critique du programme écologique du Front National

    Nous venons de voir que l’économie capitaliste ne permettrait pas de réaliser le programme de la croissance verte, programme dans lequel s’inscrit le Front National. Mais nous ne nous sommes jusque là pas encore intéressés à son programme d’un point de vue strictement écologique. A ce niveau, commençons par évoquer les 4 problématiques majeures de notre époque :

    • La question de l’épuisement des ressources
    • La question de la dérégulation géologique
    • La question du réchauffement climatique
    • La question de la disparition d’espèces animales et végétales assurant l’équilibre du vivant.

    Ces quatre questions sont clairement liées entre elles, et sont clairement liées au mode de production capitaliste. Le capitalisme suppose, pour obtenir des booms productifs permettant de l’accumulation en vue de réinvestir, de consommer beaucoup de matière pour les machines, le bâti, et l’alimentation en énergie. Il suppose que l’augmentation de la productivité, produisant une baisse des taux de profit, soit compensée par une hausse conséquente et continue de la masse de profits. L’augmentation continue de la masse de valeur suppose l’augmentation du niveau de consommation de matières premières et d’énergies.

    Or les matières premières sont limitées, autant que les énergies provenant de l’extraction, et ce ne sont pas les nouveaux matériaux de substitution et les énergies renouvelables qui pourront compenser leur disparition. A un moment donné, il n’y aura plus assez d’énergie pour extraire du sol et il n’y aura plus assez dans le sol pour alimenter en énergies les machines d’extraction. De plus, creuser plus profondément risque d’aboutir à de profondes dérégulations géologiques. La poursuite de l’extractivisme n’est pas donc pas une solution viable.

    D’autre part, les effets du réchauffement climatique s’annoncent dévastateurs : effondrement des rendements agricoles, fonte des pôles, montée des océans, diminution des surfaces habitables, raréfaction de l’eau potable, disparition de pans entiers de la biodiversité, multiplication des famines, des maladies graves et des épidémies, migrations climatiques importantes vers les zones habitables. Le réchauffement climatique est pour une bonne part d’origine humaine. Il est lié à une émission trop importante de gaz à effet de serre, donc le CO2 (mais pas seulement). Ce réchauffement ne peut-être inversé, mais il peut être limité. Pour cela, il est nécessaire d’analyser ce qui, dans les activités de la société industrielle capitaliste, en constitue la cause. Les chiffres sont certes variables d’une étude à l’autre, mais les émissions de gaz à effets de serre proviennent principalement des transports (25 à 30%), de la production industrielle (20%), du bâtiment (20%), de l’agriculture (15%), de l’énergie (10 à 15%). Pour éviter une trop forte hausse de la température moyenne (ne pas dépasser +2°), il faudrait réduire ces émissions de 80 à 95% avant 2050.

    Pour cela, il faudra réduire drastiquement les transports et relocaliser véritablement la production. Même si le FN entend lutter contre le transport international de marchandises, cette réduction entre en contradiction directe avec sa stratégie d’obtention de capitaux en faisant de la France une puissance commerciale basée sur l’exportation. Renoncer au transport international de manière cohérente avec la perspective de réduction des émissions carbone implique de renoncer à faire de la France une puissance commerciale exportatrice, et de se diriger vers une autonomie maximum de production et consommation, et de surcroit, de limiter au maximum les flux de marchandises à travers le pays, en axant sur la production et la consommation les plus locales possibles. Cette perspective, dans le cadre du capitalisme, implique l’impossibilité de générer des profits nécessaires à tous types d’investissements (investissement productif, relance par la hausse des salaires et l’incitation à la consommation, soutient de la protection sociale, financement de la transition écologique), et aboutit à une accentuation sans précédent de la dégradation des conditions de vie de la population.

    Pour remplir les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il faudra nécessairement réduire de beaucoup la production, au-delà d’une substitution verte, d’un grand « green washing ». Cela suppose un véritable ralentissement du rythme de consommation des ressources naturelles, et une diminution du volume de production global : c'est-à-dire une décroissance. Cette décroissance, qu’on le veuille ou non, n’est pas affaire de choix entre ça et le « green washing ». Il s’agit de choisir entre en maitriser les conditions ou la subir violemment de plein fouet. Le capitalisme n’y survivra probablement pas, ne trouvant plus les ressources naturelles nécessaire à assurer sa base matérielle et énergétique, et donc le processus d’accumulation du capital (déjà bien en berne, comme nous l’avons vu, du fait de sa dynamique interne). Il tendra à se réduire, se compresser. Il ne pourra plus s’élargir. Adieu à la croissance économique ! Il ne sert donc à rien de chercher à la relancer. Il faut trouver, dès maintenant, d’autres modalités de fonctionnement de la société et transformer profondément nos modèles de production.

    En conclusion, le programme du Front National (comme tous les programmes politiques des écologistes partisans du développement durable et tous les programmes faisant abstraction de l’écologie) nous amène, bien involontairement, à une décroissance subie que les classes populaires risquent de payer très cher. Tout comme avec l’économie, en matière l’écologie, avec le FN, c’est aussi la crise !

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