• Pourquoi le Front National ne viendra-t-il pas à bout des crises ? (IV Crise des valeurs morales)

    IV la crise des valeurs morales

    1 Critique de la perte de moralité

    La perte de moralité n’est pas une critique que le FN se contente d’appliquer à la vie politique. Il l’applique à l’ensemble de la société, et en fait un mal généralisé. Si la société va mal, ce serait à cause d’une perte de moralité. Il suffirait alors que les rapports sociaux soient moralisés, qu’on donne une éducation plus stricte, que l’on punisse plus sévèrement les infractions, et qu’on apprenne aux gens a rester à leur place (inconfortable) pour que les choses aillent bien, que la politique retrouve ses titres de noblesse, que l’économie soit au service de la société, qu’on respecte la nature, que l’on n’agresse pas les gens. Comme si la moralité était le moteur de tout le reste, de la politique, de l’économie, de l’écologie, de l’éducation, de la paix civile. C’est en vérité tout le contraire, ce sont la réalité matérielle et les structures sociales, dont l’économie, le mode de production d’une société, qui produit ses effets concrets et influe sur la moralité. Ce n’est pas que nous soyons des amoralistes, mais la morale vient après l’analyse objective des structures matérielles et sociales. Si l’on veut que les gens se comportent plus pacifiquement, il faut d’abord résoudre les problèmes économiques et sociaux. Si l’on veut que l’économie serve les intérêts de l’humanité, il faut transformer radicalement le mode de production (abolir la propriété, le salariat, la concurrence, la marchandise et l’argent, et produire en fonction des besoins). Si l’on veut éviter le ravage de la biosphère, il faut sortir de l’économie de croissance, transformer les infrastructures techniques et les techniques de production de fond en comble, abolir l’obsolescence programmée et autolimiter démocratiquement la production. Si l’on veut changer la politique, il faut de la démocratie directe et des mandats impératifs déterminés par la population. Sans cela, on peut toujours rêver d’une vie bonne, jouer les pères la morale et taper sur les gens pour les forcer à bien se comporter et à ne pas se révolter, les situations objectives, les crises, produites par le système politique-économique-industriel, les pousseront toujours à se révolter, de différentes manières, et rien ne sera jamais résolu. La méthode FN est donc largement inefficace. Non seulement elle est incapable de résoudre les crises, mais en plus, elle empêche de les résoudre.

    2 Critique des valeurs morales du FN

    Quand le FN parle de valeurs morales, il ne s’agit pas de morale dans l’absolu, mais de certaines valeurs spécifiques : les vieilles valeurs occidentales de droite. Il s’agit d’une idéologie de l’effort, du dur labeur, du mérite, de la réussite sociale, du conformisme culturel traditionnel, de la concurrence, du combat, de la légitimité du plus fort à s’imposer, de la légitimité de formes de suprématie.

    On peut aussi y ajouter une pincée de solidarisme, qui prend un peu la forme de la charité chrétienne : ce serait bien que l’on distribue des aides sociales au petit peuple laborieux, que les patrons l’aide en lui donnant du travail, etc.

    Enfin, pour enrober le tout, il y a la fierté nationale, le fait d’être content de faire partie d’un grand tout, de s’oublier, ainsi que ses problèmes personnels en tout genre, dans une grande communion collective. Le plus pauvre des travailleurs ou des chômeurs devrait ainsi ne s’en prendre qu’a lui-même de sa situation, être content de faire partie du fan club du drapeau tricolore, et s’auto-flageller d’être une charge pour elle, que ce soit par son trop haut salaire dans l’entreprise qui empêche le patron de la développer et le pays d’être compétitif au niveau international, ou par la contrainte budgétaire que le chômeur assisté impose à l’Etat.

    Encore une fois, tout cela ne tient absolument pas compte de la réalité des rapports sociaux capitalistes et relègue tout les problèmes sociaux à un simple problème de moralité et de démarche individuelle.

    Mais la morale du FN ne s’arrête pas là. C’est une attaque contre la plupart des catégories de population qui ne passent pas au crible de ses fourches caudines (arabo-musulmans, noirs, juifs, rroms, gens du voyage, migrants, homosexuels, militants politiques et syndicalistes combattifs de gauche, etc.). Il s’agit d’une idéologie de l’exclusion, de l’élimination (si ce n’est physique, au moins sociale). Il existe d’ailleurs un lien direct avec la dynamique du mode de production capitaliste. Puisque le mode de production capitaliste élimine de plus en plus de travail humain, exclue de plus en plus de personnes de la possibilité de participer à la production socialisée et de bénéficier d’un droit de retrait légitime d’une part suffisante du produit social, il existe deux solutions : soit réserver le capitalisme et son produit social a certains au détriment des autres, et réguler l’élimination du processus de production salarié, en désignant les exclus en fonction de catégories idéologiques, ou autres (ce que propose le FN, mais aussi, d’une autre manière, ce que font ou proposent d’autres partis politiques voulant gérer le capitalisme) ; soit abolir la propriété privée, le salariat, l’échange marchand, et répartir de manière égale la charge de travail et le produit social que chacun peut retirer. Là, il s’agit effectivement d’un choix éthique : subir les crises du système et risquer d’en être exclu ou éliminé (et donc se ranger du côté du FN ou des autres partis du système), ou en finir avec ce système d’inégalité et d’exclusion, et participer tous ensemble à produire ce qu’il nous faut pour vivre bien.

    3 Liberté, indépendance et questions de mœurs

    Durant les dernières années, le FN à parlé de perte de temps du gouvernent concernant le « mariage pour tous », et il en pensait de même concernant la question du « droit de vote des étrangers résidant en France pour les élections locales » (tandis que les Français résidant à l’étranger peuvent voter, même s’ils ne sont pas concernés par les élections locales puisqu’ils résident ailleurs). Le gouvernement Hollande s’en servait de diversion pour ne pas s’occuper des questions de chômage et de précarité, pour préparer ses plans d’austérité. Effectivement, c’était une perte de temps en ce sens… Mais pas en fonction de ce que pense le FN. L’adoption de ces deux mesures aurait due être pliée en 5 minutes, et on aurait alors parlé des problèmes socio-économiques ; même s’il ne faut de toutes façons pas compter sur l’assemblée (capitaliste) nationale pour apporter sur ce sujet une réponse satisfaisante.

    Plus récemment, le FN avait demandé des référendums sur l’accueil des réfugiés, comme il en avait aussi déjà demandé sur la viande hallal, et d’autres sujets. C’est drôle venant de ceux qui parlaient de perte de temps et de diversion pour ne pas parler de problèmes socio-économiques. En gros, la diversion et la perte de temps, c’est les autres, et c’est quand ça arrange le FN, sa logique d’exclusion au détriment de l’intégration. Le masque tombe sur ses intentions. Parlons même de voile (pas du voile de l’islam, mais du voile transparent), car le masque n’était pas très opaque en vérité… On connaît le FN et sa logique.

    Quoi qu’il en soit, tout ceci pourrait être plié en 5 minutes : ok pour le « mariage pour ceux qui le veulent, sans discrimination aucune » (même si nous pensons que ça ne sert à rien, que c’est une supercherie métaphysique), ok pour le « droit de vote pour les étrangers résidant en France » (même si la question, c’est la démocratie directe et que la démocratie représentative n’est que supercherie où la position la plus intelligente est dans l’essentiel des cas l’abstention), ok pour la viande hallal (même si on sait qu’il faut arrêter la consommation de viande excessive et qu’il est préférable de s’orienter vers le végétarisme), oui à l’accueil des réfugiés et à la liberté de circulation et d’installation des personnes (non à celle des capitaux, abolition du capitalisme !) etc. Qu’on laisse les gens faire ce qu’ils veulent au niveau des mœurs quant il ne s’agit pas d’empiètement sur les libertés et de formes d’oppression d’autrui, et qu’on se préoccupe des problèmes économiques, écologiques et de la démocratie.

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