• Cycles, récessions, et la baisse du taux de profit

    Les économistes politiques classiques de l'époque de Marx, et leurs prédécesseurs, refusaient la fatalité des cycles économiques et de leurs culminations dans les krachs. Ils ont tenu le marché capitaliste pour un mécanisme si efficace qu'il était censé équilibrer ses entrées et ses sorties, la production et la consommation, l'achat et la vente, dans un processus qui fonctionne bien. Il pouvait y intervenir des dysharmonies momentanées, localisées, dans une industrie ou l’autre, mais pas de collisions d’ensemble. Lorsque les choses allaient mal, c’était due à des facteurs extra-économiques : le mauvais temps, les guerres, ou l'intervention du gouvernement dans le marché, ce qui était toujours une mauvaise idée.

    Pourtant, depuis aussi longtemps que le capitalisme existe, il y a toujours eu des cycles. Il y eut des ralentissements entre le tiers et la moitié de l'histoire du capitalisme, du début du 19 ème siècle à la fin des années 30. (Ces replis ont été appelés « accidents » ou « panique » jusqu'à ce qu’un terme plus agréable ait été trouvé : « Dépressions ». Après les dix ans de la Grande Dépression des années 30, ils ont utilisé le terme, plus doux dans sa consonance, de « Récession »). Les économistes d'aujourd'hui n’en ont pas une grande compréhension théorique. Mais ils croient qu’avec l'utilisation de la manipulation monétaire gouvernementale, des modifications fiscales, et/ou des dépenses du gouvernement, il est possible de modifier les cycles, de minimiser leurs ralentissements dans l'insignifiance. Il est fort dommage que ça n'ait pas fonctionné aussi bien.

    Les cycles vont de la reprise progressive à partir de la profondeur de la dernière récession, à une productivité accrue jusqu'à une nouvelle prospérité, au début d'une récession, et ensuite au krach suivant. Ensuite, ils recommencent.

    En reconnaissant la réalité des cycles économiques répétées et des crises qui en résultent, Marx était très en avance sur son temps. Il n'a pas écrit une théorie complète du cycle d'affaires à un seul endroit, mais ses pensées à ce sujet sont apparentes, en particulier dans son analyse de l'accumulation du capital. Cependant l’absence, chez Marx, d'une déclaration complète et concentrée, a conduit les marxistes à proposer diverses théories des cycles et de leurs krachs.

     

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  • La théorie de la valeur travail

    La méthode de Marx

    Avant d'affronter la théorie de Marx, il est important de parler de sa méthode. Je ne vais pas discuter du « matérialisme dialectique ». Au lieu de cela, je vais commencer par la croyance de Marx, selon laquelle ce que nous percevons de manière empirique, avec nos sens, n’est seulement que la surface de la réalité. Sur la terre ferme, le soleil semble vraiment se déplacer dans le ciel de d’Est en Ouest, et nous guider, à juste titre, quand nous voyageons, pour la plupart des distances – mais la réalité est plus complexe.

    Quand je touche le haut d'une table, elle semble dure et solide, et elle l’est réellement (elle résiste à la pression de ma main). Mais il est également vrai que la table est principalement un espace vide composé de particules subatomiques tourbillonnantes. C’est donc aussi vrai concernant la société. Il y a une surface et une profondeur sous la surface. Toutes deux constituent des parties valides de la réalité.

    Comment pouvons-nous déterminer, scientifiquement, ce qui se trouve derrière la surface d’évidence ? Nous ne pouvons pas faire de l'économie dans un laboratoire, et nous ne pouvons faire des expériences contrôlées (pas éthiquement, de toute façon). La méthode de Marx est l'abstraction. Mentalement, il fait abstraction (fait ressortit) les aspects de l'ensemble des formes apparentes (gestalt), tout en ignorant temporairement d'autres aspects de la réalité complexe. Le champ même de l'économie est une abstraction, car il sépare (dans nos esprits) des processus de production et de consommation d'autres processus sociaux, tels que l'art et la culture.

    En utilisant des abstractions, il a construit les schémas mentaux de l'économie. Il a par exemple postulé une société uniquement composée d’une classe capitaliste industrielle et d’une classe ouvrière moderne, mais sans propriétaires, ni paysans, ni capitalistes marchands, ni banquiers, ni classes moyennes, etc. La création d'un tel modèle (d'un capitalisme qui n’existe pas et n’existera jamais), lui permet d’explorer son fonctionnement. Il l’a amputé et a observé la manière dont les choses se passaient. Peu à peu, il a ajouté de plus en plus d'aspects de la société réelle à ses modèles (comme les autres classes sociales). Avec un peu de chance, cela donne un aperçu de la façon dont la véritable société, complexe, désordonnée, fonctionne dans son ensemble. C’est cette abstraction qui a permit à la critique de l'économie développée par Marx de rester pertinente, après un siècle et demi. Le capitalisme survit encore et sa structure de base est toujours opérante.

    Marx cherchait les aspects sous-jacents, récurrents, des modèles de comportement de masse qui sont appelés « lois économiques ». Mais ces lois n’apparaissent jamais à l'état pur dans la société actuelle, étant perturbées, médiatisées, contrées par d'autres forces. Elles apparaissent sur le long terme, dans l'ensemble, et sous une forme modifiée. Je vais vous le montrer en examinant la « loi de la valeur » et la « baisse tendancielle du taux de profit ». Par conséquent, Marx explique à plusieurs reprises que les « lois » économiques sont plus correctement considérées comme des « tendances ». Pour comprendre comment elles fonctionnent vraiment, chaque situation doit être analysée dans sa concrétude.

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  • Le monde fait face à des bouleversements pénibles dont les aspects sont politiques, militaires, écologiques, culturels et même spirituels. De toute évidence, cela inclut également une crise économique profonde qui s'ajoutera à tous les autres problèmes. Il nous faut comprendre la nature de la crise économique si nous espérons y faire face.

    Parmi les théories économiques, les deux écoles principales sont bourgeoises, dans le sens où elles se positionnent en faveur du capitalisme. Tant l'école conservatrice et monétariste du libre-marché débridé que l’école libérale/sociale démocrate Keynésienne, existent pour justifier le capitalisme et conseiller les gestionnaires de l'économie capitaliste.

    La seule théorie économique alternative est celle développée par Karl Marx. Sa théorie a été pensée pour amener la classe ouvrière à comprendre le système capitaliste dans le but d'y mettre fin (une des raisons pour lesquelles il a nommé sa théorie « critique de l'économie politique »). D'autres radicaux, en particulier les anarchistes, ont développé certaines idées relatives à l'économie, comme, par exemple, la forme que prendrait une économie post-capitaliste. Mais personne, à l'exception de Marx, n'a développé d'analyse générale sur le fonctionnement du capitalisme en tant que système économique. Je me suis donc concentré sur ses travaux, bien que je sois un anarchiste et pas un marxiste (ni un économiste, d'ailleurs). Je veux dire par là que je n'accepte pas la vision du monde développée par Karl Marx et Friedrich Engels, bien que je sois en grade partie en accord avec celle-ci.

    Je ne revendique aucune originalité. Tout au plus, là où il existe des interprétations différentes de la théorie de Marx, je pourrais adopter une position minoritaire. Mais je me concentre sur la théorie de Marx, telle qu'exprimée dans les trois volumes principaux du Capital, des Grundrisse, et quelques autres écrits, ainsi que ceux de son proche collaborateur et camarade, Friedrich Engels.

    Par ailleurs, je ne m'attarderai pas sur les théories « marxistes », ce qui inclut les commentateurs postérieurs de Marx, qui, dans certains cas, sont en désaccord avec divers points fondamentaux de l'opinion de Marx. Par exemple, de nombreux soi-disant économistes politiques marxistes rejettent la théorie de la valeur de Marx. Plus encore rejettent sa notion de baisse tendancielle des taux de profit. Beaucoup rejettent la possibilité d'un capitalisme d'Etat. La plupart sont de facto partisans du capitalisme d'Etat ! (La plupart des marxistes démocratiques/réformistes appellent à ce que l'État intervienne dans l'économie afin de renflouer le capitalisme. La plupart des marxistes révolutionnaires cherchent à renverser l'État existant pour le remplacer par un nouvel État qui remplacerait la bourgeoisie par la propriété d'État – tout en préservant la relation entre le capital et le travail). Tout au plus, je devrai aborder quelques marxistes postérieurs à Marx, lorsque j'aborderai l'impérialisme et l'ère de du capitalisme décadent.

    Il y eu plusieurs versions des introductions à l'économie marxiste, à commencer par celles écrites par Marx lui-même, comme Salaires, Prix et Profits et Travail salarié et Capital, sans compter la vaste quantité d'œuvres plus sophistiquées sur le sujet. Mais celles écrites par des anarchistes, pour des anarchistes et d'autres socialistes libertaires, sont très rares. Je pense qu’elles seraient utiles aujourd'hui.

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  • A partir du 1er Novembre, traduction hebdomadaire du livre de

    L'Economie de Marx pour les Anarchistes

    Une introduction Anarchiste à la Critique de l'Economie Politique de Karl Marx

    Wayne Price

    Publications hebdomadaires de : L'Economie de Marx pour les Anarchistes de Wayne Price

    Traduction par Floran Palin.

    Chapitre 1 sur la base de la première traduction de Jérôme (UCL, Canada), publiée sur le site d'Anarkismo.

    Cette semaine : Chapitres 1 et 2

    6 Novembre : Chapitre 3

    13 Novembre : Chapitre 4

    20 Novembre : Chapitre 5

    27 Novembre : Chapitre 6

    4 Décembre : Chapitre 7

    11 Décembre : Chapitre 8

    18 Décembre : Chapitres 9 et 10

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  • Présentation de l’auteur
    Wayne Price est un militant Communiste-Libertaire Américain de la « Black&Rose Anarchist Federation » (Ex-NEFAC), membre du réseau international Anarkismo (dont font partie, en France, Alternative Libertaire et la Coordination des Groupes Anarchistes).

    Pourquoi avoir décidé de traduire ce livre ?

    Voici quelque mois que j'ai entamé la traduction du livre de Wayne Price, Marx's economics for Anarchists. Voici mes raisons :

    Depuis 2008, la crise du capitalisme s’est encore aggravée. A la suite de l’intervention des Etats pour sauver les banques et les entreprises, la dette publique s’est encore approfondie, et nous assistons au développement de politiques d’austérité budgétaire dans de nombreux pays d’Europe. Ces dernières se caractérisent par des attaques sans précédent contre les services publiques, la protection sociale, les salaires et les conditions de travail. Depuis 2015, la Chine semble être touchée par une crise assez similaire.

    Sortira-t-on de cette crise mondialisée ?

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