• Premier volume d’une tétralogie consacrée au “ devenir-monde ” du capitalisme, l’ouvrage d’Alain Bihr fait la généalogie d’un système entré, depuis trente ans, dans une nouvelle phase de son développement, la “ transnationalisation ”. Contre une vision strictement “ économiste ” de l’histoire, il insiste sur la capacité des mouvements sociaux à peser sur le cours des événements.

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  • A l’occasion de la sortie de son nouvel ouvrage, La préhistoire du capital (Editions Page deux), AlternativeLibertaire.org a interviewé Alain Bihr.

    Alternative Libertaire. Tu viens de publier aux éditions Page deux "La préhistoire du capital". Tu y analyses le cheminement à travers lequel s’est formé le capital, ce rapport de production qui donne naissance au capitalisme. Pourquoi t’intéresser à ce sujet ?

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  • Pour introduire ce thème, je reviendrai rapidement sur le récent mouvement de mobilisation contre feu le CPE, plus précisément sur deux éléments de ce mouvement qui ont attiré mon attention. D’une part, un des multiples détournements de l’acronyme CPE auxquels ce mouvement a donné naissance: «CPE = chômage, précarité, exclusion». Détournement symptomatique de la signification générale de ce mouvement qui, au-delà du CPE, a manifesté une exaspération générale, particulièrement dans la jeunesse lycéenne et étudiante, face au chômage de masse, à la précarité salariale et à  l’exclusion socio-économique qui constitue la toile de fond et même la réalité immédiate d’un nombre grandissant de jeunes, de personnes dans leur phase d’entrée dans la vie. D’autre part et simultanément, la revendication implicite et souvent même explicite du contrat à durée indéterminé (CDI) et à temps plein comme norme d’emploi salariale, comme seule forme acceptable, voire comme seule forme ‘vraie’ de l’emploi. Le seul vrai emploi (salarié) serait un CDI à temps plein.

    Le rapprochement entre ces deux éléments suggère que, dans l’esprit de beaucoup des jeunes qui se sont mobilisés contre le CPE, tout se passe comme si salariat, d’une part, chômage, précarité et exclusion socio-économique, d’autre part, étaient non seulement des réalités contraires mais, plus fondamentalement même, étrangères l’une à l’autre. Comme si chômage, précarité et exclusion n’avaient rien à voir avec le salariat, comme s’ils en étaient en quelque sorte une dénaturation ou une perversion ; ou, inversement, comme si le salariat, le vrai, n’avait rien à voir avec le chômage, la précarité ou l’exclusion.

    Ces représentations vulgaires des rapports entre salariat, d’une part, chômage, précarité et exclusion, d’autre part, rejoignent ainsi un certain nombre d’approches pseudo savantes sur les mêmes sujets qui ont été soutenues au cours des deux dernières décennies. Approches qui comptent parmi celles qui ont connu la plus forte audience non seulement dans les milieux académiques mais encore dans le grand public. Je me limiterai à deux exemples.

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  • Nous avons sur ce site publié divers articles d’Alain Bihr portant sur la «novlangue» propre à la restauration «néo-libérale» (voir «Egalité et “égalité des chances”», 7 septembre 2006; «Les charges sociales», 6 septembre 2006; «Le capital humain», 6 mars 2006; «La réforme», 28 novembre 2005; «La refondation sociale», 1 novembre 2005; «Le marché», 13 mai 2005). Un double but: 1° passer au filtre de la critique les mots clefs de cette langue qui enseigne la soumission volontaire au monde actuel, en le faisant passer pour le meilleur des mondes ou, du moins, le seul monde possible ; 2° espérer ainsi permettre à tous ceux qui subissent ce monde et éprouver comme une prison de se (ré)approprier un langage adéquat à leurs propres intérêts et au combat pour s’en libérer.

    C’est incontestablement un des maîtres mots du discours néolibéral. A l’en croire, dans le contexte global de «la  mondialisation», l’heure serait plus que jamais à «la flexibilisation» de tout et de tous: à la suppression de toutes les contraintes légales et de toutes les rigidités sociales, à l’assouplissement de toutes les pratiques et de tous les comportements, dans le seul but de rendre plus fluide et plus rapide le procès de reproduction du capital, auquel rien ne doit faire obstacle. Car si l’exigence de flexibilité est inhérente à ce procès, elle se trouve redoublée dans la phase actuelle de son développement.

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  • Dans la suite des contributions démystifiantes * sur la «novlangue» du néo-libéralisme, nous publions cet article sur l'égalité et «l'égalité des chances», cette dernière formule ayant, plus d'une fois, été reprise, aveuglément, par une certaine gauche (réd).

    Depuis que la fameuse formule révolutionnaire «Liberté, égalité, fraternité» est devenue la devise de la République française, son terme central n’a cessé de poser problème. Non seulement pour toutes les composantes de la réaction contre-révolutionnaire, pour lesquelles l’idée même d’une égalité de principe entre tous les hommes est un scandale éthique et politique autant qu’une aberration ontologique, puisque pour elles l’inégalité entre les êtres est une loi naturelle voire divine inviolable. Mais il a encore rapidement divisé les différents courants qui se proposaient d’assumer l’héritage révolutionnaire.

    Pour les uns, il s’agissait clairement d’en rester à l’inspiration libérale originelle de la formule et, par conséquent, en se limitant à la stricte égalité juridique et civique: à l’égalité des hommes face au droit et face à la loi, en leur double qualité de personnes privées et de citoyens. Une égalité qui est d’ailleurs exigée par le fonctionnement même de la société civile et de la démocratie politique, deux conditions et conséquences à la fois de cette économie marchande généralisée qu’est le capitalisme. Par exemple, pour qu’un contrat de travail puisse être conclu, il faut que l’employeur capitaliste et le travailleur salarié figure l’un face à l’autre comme propriétaires: l’un de moyens monétaires, l’autre d’une force de travail, qu’ils sont prêts à échanger à égalité formelle de condition et de prétention. Ou encore, pour qu’une démocratie parlementaire puisse fonctionner, il faut que la voix de l’homme le plus riche, le plus puissant ou le plus savant ne vaille ni plus ni moins que celle du plus pauvre, du plus faible et du plus ignare.

    Par contre, d'autres, très tôt – dès le cours même de la Révolution française – et plus encore dans les décennies suivantes, au fur et à mesure où le mouvement ouvrier fit entendre la voix des plus démunis, dénoncèrent les limites de cette égalité juridique et civique. D’une part, ils montrèrent que cette liberté était purement formelle: elle était vidée de tout contenu par les inégalités réelles, de revenus, de patrimoine, de pouvoir, de culture, etc., liées aux différences de situations des individus dans les rapports de production, les rapports de propriété, les rapports de classes, les rapports de genres, etc. Ce n’est que formellement en leur qualité de propriétaires privés que l’employeur capitaliste et le travailleur salarié se font face: en réalité, le rapport de forces entre eux sur le marché du travail est généralement tel que le premier impose ses conditions (de rémunération et d’emploi) au second. D’autre part, et de ce fait, cette liberté formelle en devient illusoire et mensongère: elle est le masque ironique dont se pare l’oppression pour se justifier et désarmer du même coup idéologiquement les opprimé·e·s, brouiller leur conscience des rapports sociaux réels. Et les mêmes, dès lors, de réclamer que l’on passe de l’égalité formelle à l’égalité réelle: en réduisant les inégalités sociales, voire en y mettant fin, par l’éradication de leurs principes mêmes, à commencer par la propriété privée des moyens de production. Socialisme et communisme sont nés, notamment, de cette passion pour l’égalité.

    On l’aura compris, la notion d’égalité pose un problème structurel à l’idéologie dominante, quelle qu’en soit l’orientation. D’une part, il lui est impossible de s’en passer, puisque l’égalité formelle (juridique et civique) fait partie des conditions mêmes de fonctionnement des rapports capitalistes de production. D’autre part, ce faisant, elle entretient elle-même un concept et un thème susceptibles en permanence de se retourner contre elle et contre l’ordre économique, juridique et politique qu’elle est censée défendre et justifier, en permettant de souligner l’écart entre les inégalités réelles et l’égalité formelle, de dénoncer les premières au nom de la seconde (et inversement) et d’exiger la réduction de cet écart, voire sa suppression pure et simple. Bref il lui faut constamment gérer cette contradiction: mobiliser la notion d’égalité tout en désamorçant le potentiel critique qui est le sien.

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